Défaire l’école d’art. Les ressorts démocratiques de l’enseignement artistique

Résumé

Pour les élèves, les enseignants et les personnels des écoles d’art, concevoir « l’ouverture au monde » de leurs pratiques apparaît comme une revendication centrale dans le contexte juridique français. À côté des normes et discours institutionnels qui énoncent ce que devrait être la juste place de ces écoles dans la cité, celles-ci traversent parfois des crises de gouvernance. Ces situations d’incertitude sont bonnes à penser pour décrire ces établissements, les relations qui s’y jouent, leur inscription dans l’espace public ainsi que les rapports à la fiction et au savoir qui s’y nouent. Décrites sous ce prisme, les relations d’enseignement observables au sein des écoles d’art supposent bien plus que la simple mise en coprésence d’élèves et d’enseignants. Elles engagent un ensemble complexe d’acteurs individuels et collectifs qui – parce qu’ils s’estiment diversement concernés par ce qui s’y joue – composent les « publics » de ces établissements. Repérer comment ces publics se coordonnent, s’agrègent ou se dissolvent, en adossant leurs relations à des ressources, non seulement spatiales et objectales, mais également discursives, théoriques ou contrefactuelles, c’est proposer une description hétéronomique des activités artistiques, propre à interroger les ressorts démocratiques de l’enseignement artistique.

mots-clés : enquête, enseignement, création, art, sciences sociales, pragmatisme, école, mouvement, justice, crise.

Abstract

Undoing art school. The democratic dynamics of artistic education.

For students, teachers and staff of art schools, ’opening their practices to the world’ appears to be a central concern in the French legal context. Alongside the institutional norms that state what should be their proper place within the Polis, these schools are often confronted with governance crises. These situations of uncertainty, the focus of this article, are useful for describing these institutions, the relationships that are played out within them, their inclusion in the public arena, and the relationships to fiction and knowledge that are established thereby. The ethnographic approach defended in this article demonstrates that the teaching relationships observed in art schools involve much more than the simple co-presence of students and teachers. They also involve a complex set of individual and collective actors who can be described as the ’publics’ of art schools. To ask how these publics coordinate, aggregate or dissolve themselves, by basing their relations on resources that are not only spatial and objectual, but also discursive, theoretical or counterfactual, is to propose a heteronomic description of artistic activities that can serve to question the democratic process underlying artistic education.

keywords  : enquiry, teaching, creation, art, social sciences, pragmatism, school, movement, justice, crisis.

Sommaire

Des écoles dans la tourmente

Les 29 et 30 octobre 2015, les Assises des écoles d’art organisées par l’ANdéA [1] réunissaient à Lyon 450 personnes pour débattre « de la situation et de l’horizon de ces institutions (...) à la croisée du champ de l’enseignement supérieur et de la création artistique, des politiques territoriales et de la politique nationale » (Tibloux 2016). En marge des conférences et des tables rondes programmées, quelques participants échangeaient de manière informelle, comparant les spécificités de leurs établissements et s’accordant sur le fait que les écoles d’art ne visent pas d’abord à former des critiques, pas plus d’ailleurs qu’elles ne visent à former des artistes : leur mission consisterait à accompagner leur(s) public(s) dans la confection de démarches personnelles innovantes et, par là même, à transmettre à ces « citoyens » des ressources pour nourrir et questionner « le monde à venir » [2]. De fait, pour asseoir « la puissance d’agir des écoles dans l’espace démocratique » (Michaud 1999), ces établissements s’appuient sur une conception critique et émancipatrice de la recherche en création, basée sur un emprunt aux sciences sociales qui découle notamment des injonctions institutionnelles à mettre en dialogue « l’art et la science » (Cordonnier 2012). Malgré ces discours institutionnels qui énoncent ce qu’est la juste place des écoles dans la cité, l’agapé [3] n’est pas l’unique mode de fonctionnement de ces établissements. Ces lieux, régis par une organisation spécifique, qui les place sous la tutelle conjointe du ministère de la Culture et des collectivités territoriales [4], connaissent parfois des problèmes de gouvernance. La tourmente des écoles d’art semble d’ailleurs suffisamment chronique pour que certains prescripteurs culturels (Dotari 2016) alertent sur les menaces de « restrictions budgétaires » qui contribuent à fragiliser des écoles dites « en crise » – terme à la mode dont l’étymologie médicale désigne le moment où l’on ignore si le patient va passer de vie à trépas (Koselleck 1979 : 164-167). Ces situations d’incertitude sont bonnes à penser pour décrire le fonctionnement actuel des écoles d’art où l’adoption, en mai 2017, du statut d’établissement public de coopération culturelle a conduit les acteurs de ces établissements à questionner leur rôle et leurs missions sur des territoires complexes et mouvants [5].

Le présent article résulte de nos engagements respectifs d’étudiant et d’enseignant au sein d’une même école supérieure d’art [6]. En nous basant sur nos expériences au sein de cet établissement, en les élargissant à d’autres lieux d’enseignement artistique, nous avons cherché à caractériser les relations qui s’y jouent, leur inscription dans l’espace public ainsi que les rapports à la fiction et au savoir qui s’y nouent. Pour les élèves, les enseignants et les personnels des écoles d’art, concevoir « l’ouverture au monde » de leurs pratiques apparaît comme une revendication centrale dans le contexte juridique français marqué par la préparation et la promulgation de la loi du 6 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine dont l’article premier proclame que « la création artistique est libre ». Pour autant, penser l’activité de création comme affranchie de toute contrainte est de nature à interroger sociologues et artistes qui soulignent que les activités humaines ne sont pas dissociables des dispositifs dans lesquels elles s’enchâssent [7]. Les écoles d’art, elles non plus, n’échappent pas à cette contradiction. Comme nous le verrons, les relations d’enseignement observables au sein de ces écoles supposent bien plus que la mise en coprésence d’élèves et d’enseignants. Elles engagent un ensemble complexe d’acteurs individuels et collectifs qui, parce qu’ils s’estiment diversement concernés par ce qui se joue dans et autour des écoles d’art, composent ce que nous appellerons ici les « publics » de ces établissements [8]. Repérer comment ces publics se coordonnent, s’agrègent ou se dissolvent, en adossant leurs relations à des ressources, non seulement spatiales et objectales, mais également discursives, théoriques ou contrefactuelles, c’est proposer une description hétéronomique de l’art [9]. En observant qu’« aucune activité esthétique ne peut s’absoudre de ce qu’elle doit à d’autres activités accomplies par des tiers » (Cometti 2017 : 83), cette posture nous conduira à interroger les ressorts démocratiques de l’enseignement artistique [10].

Les relais spatiaux et objectaux de l’enseignement artistique

En théorie, les écoles d’art sont présentées comme des lieux d’émancipation et de formation à l’exercice de la citoyenneté. Pourtant, si l’on suit le témoignage des acteurs concernés, elles convoquent en pratique des modes de fonctionnement qualifiés de « pyramidaux ». C’est ainsi qu’en marge d’une rencontre inter-écoles, la directrice de l’établissement accueillant explique à la délégation invitée que l’organisation des écoles d’art renverrait à une conception du social apparentée à un système féodal : « il y a d’abord les professeurs, l’administration et en dernier lieu les étudiants qui sont la cinquième roue du carrosse ». Et d’ajouter qu’une telle hiérarchie est peu propice à faire émerger une quelconque forme de démocratie participative ou d’imaginaire partagé. Alors que les écoles d’art insistent sur les spécificités des enseignements qui y sont dispensés, en se référant parfois aux expérimentations du Black Mountain College (Cometti et Giraud 2014), un tel constat vient mettre en défaut la dualité apparente de la relation professeur/élève. Comme nous allons le voir, en nous appuyant sur deux séries d’observations relatives à l’enseignement des sciences sociales et au partage des ateliers, cette relation se réalise par la médiation de nombreux acteurs, individuels ou collectifs, qui agissent par l’entremise de relais spatiaux, objectaux, scripturaires ou discursifs.

En principe, l’enseignement en école d’art repose sur un dialogue dans lequel l’enseignant – à la manière du maître ignorant de Jacques Rancière [11] – n’adopte pas de posture de surplomb. Il dialogue avec les élèves et les accompagne dans leurs démarches de lecture, d’écriture et de recherche, notamment en les aidant à identifier des ressources ajustées à la définition et la réalisation de leur projet personnel. C’est dans cette perspective que j’ai [12] mis en place un enseignement de Licence 3. Ce cours visait à familiariser les étudiants avec la pratique des sciences sociales en discutant la pluralité des usages et des conceptions qui sont liés aux images, aux objets et aux textes. Une section de ce cours traitait de problèmes d’observation et de description, abordés notamment par la lecture de textes de Howard Becker (2004 ; 2016), sociologue dont la souplesse stylistique contribuait à donner aux discussions une tournure dynamique. En appliquant les observations de Becker à la construction de films documentaires dont la narration convoque des éléments de fiction [13], les étudiants observèrent que le travail de description ne revêt pas les mêmes finalités selon qu’on l’aborde sous l’angle des sciences sociales ou de la création. Pour un anthropologue, décrire un objet, c’est rendre compte de son engagement dans l’action, des règles qui en encadrent l’usage ou encore en tracer la biographie. Mais, de leur côté, les praticiens de la création – qu’ils recourent ou non aux ressources que leur fournissent les sciences sociales – font face à la nécessité de constituer leur propre langage artistique : un monde, au sens de Nelson Goodman, doté de son propre cadre et système de référence (Goodman 1990 : 17-34) [14]. Pour permettre aux étudiants de mieux mesurer ces écarts tout en affinant leur propre technique de description, je proposai à chacun d’observer un objet de l’école en relevant les règles d’usages et les qualités relationnelles qui lui étaient associées. Cet exercice a donné lieu à une série de brèves descriptions portant sur des objets ordinaires mais néanmoins constitutifs de la vie d’un établissement public : une porte condamnée mais empruntée pour éviter une interaction non désirée avec le gardien ; la machine à café située dans le hall, et à laquelle certains enseignants préféraient sacrifier quelques euros par jour plutôt que d’utiliser gratuitement la cafetière réservée au personnel ; la photocopieuse dont les dysfonctionnements réguliers trahissaient les règles implicites de préséance entre direction, administration, enseignants ou étudiants ; le radiateur du grand hall qui semblait tacitement réservé aux étudiants de second cycle tandis que les bancs disposés dans l’entrée mal chauffée de l’école délimitaient le territoire des seuls élèves de première année. Pris séparément, chacun de ces objets trahit donc les hiérarchies que stabilisent leurs usages. Mais, comme le suggéraient les résultats d’un autre travail de description portant sur le grand tableau de la salle réservée aux enseignements théoriques, ces hiérarchies sont réversibles. Durant tout un semestre, les étudiants s’amusèrent à y tracer le portrait des enseignants – portrait que ces derniers prenaient grand soin de ne pas effacer. Semaine après semaine, de nouveaux visages s’ajoutaient aux autres, la surface disponible sur le tableau s’amenuisant bientôt au point que l’usage de ce dernier devint pratiquement impossible. Mis en série, tous ces objets révélaient ainsi une véritable topographie politique de l’établissement, tout en suggérant les tensions qui accompagnent le partage des espaces communs.

La question des concertations qui se nouent autour de la spatialité n’est pas propre à l’école que nous prenons ici pour cadre empirique de référence. Dans un ouvrage récent, Joann Sfar, qui enseigne à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, observe comment l’organisation de l’espace peut devenir partie intégrante d’un programme pédagogique :

J’adore cet établissement, c’est une école de gagas. Hier la direction a écrit à tous les professeurs pour annoncer que durant trois jours de novembre il y aurait un grand rangement dans l’atelier (...) c’est la seule école où on vous envoie une circulaire officielle avec marqué : « Du tant au tant on nettoie l’école », la prof de danse contemporaine répond : « C’est formidable, nous allons en faire un exercice. Mes étudiants vont danser ce rangement. Ne leur en veuillez pas si la performance déborde jusque dans les bureaux administratifs ». (Sfar 2018 : 21).

De manière générale, le rangement apparaît comme une activité collective qui scande la vie des établissements. Chaque année, au moment des diplômes, les écoles sont rangées. Parfois les salles sont repeintes pour accueillir les diplômés et faire bonne figure auprès des jurys qui sont composés de personnalités extérieures. Ce temps nodal de la vie de l’établissement peut être interprété comme une façon de maîtriser l’incertitude et le caractère incontrôlable de l’événement (Becker 2004 : 9-10). À la manière d’un rituel, cette activité peut d’ailleurs être soumise à des injonctions nominalement incompatibles comme, par exemple, lorsque l’enseignant en charge du passage du diplôme demande aux candidats de veiller à « ne pas trop ranger » de façon à souligner leur mérite au regard du manque de moyens de l’école. En temps ordinaire, les espaces de travail partagés ont l’aspect d’open spaces surchargés. Certaines histoires, racontées sur le registre de l’anecdote, en soulignent l’état de déshérence – comme cette étudiante qui, avant de déménager pour un séjour linguistique, aurait réparti ses affaires personnelles en différents lieux de l’école, certaine de les retrouver à son retour. Si les espaces communs peuvent être l’objet d’appropriations individuelles, des frictions surviennent autour de leur attribution. Le nombre limité des ateliers met ainsi en lumière les jeux d’alliance entre les publics de l’école. Dans l’organisation d’une école d’art, les ateliers renvoient à des temps d’enseignement distincts : un temps d’enseignement collectif et un temps individuel de création requis par le travail personnel des étudiants. Bien que leurs conditions d’usage soient plus ou moins fixées par le règlement intérieur [15], leur partage alimente parfois des conflits. Une année, les étudiants demandèrent à accéder aux ateliers la nuit, sans encadrement. Leur argumentation (« nous voulons juste travailler ») semblait difficile à contredire. Mais en temps ordinaire, ils n’auraient probablement pas obtenu satisfaction. La direction, qui était alors engagée dans d’âpres discussions concernant la restructuration des missions du corps enseignant, accepta néanmoins leur demande. Certains y virent une manière de mettre en difficulté des enseignants, plutôt opposés à l’ouverture nocturne des ateliers.

Les tensions observables autour des espaces de travail ne se limitent pas à ces demandes d’occupation. Elles relèvent aussi du partage physique de l’école en deux bâtiments distants de quelques kilomètres : un bâtiment principal qui accueille l’administration et l’ensemble des enseignements théoriques et un autre bâtiment (un gymnase, partagé avec l’équipe locale de volley-ball) qui accueille les enseignements pratiques et techniques (ateliers volumes, sculptures, peinture). Afin d’échapper à ce qu’ils ressentaient comme un contrôle de la direction, les enseignants s’accommodaient de donner cours au plus loin du siège administratif. Pour résorber cette distance jugée problématique, la direction mit en place une passerelle numérique entre les deux sites, au moyen d’un système permanent de vidéo-conférence disposé dans le hall de chacun des bâtiments. Ce dispositif fut bien vite rebaptisé « big brother », comme pour dénoncer une volonté de surveiller les personnels. Quelques années plus tard, après un changement de direction, les mêmes enseignants souhaitèrent se rapprocher du bâtiment administratif et « des lieux de décision ». Ils parvinrent à y récupérer une salle jusqu’alors réservée à l’enseignement de la performance, discipline vis-à-vis de laquelle ils étaient alors en rivalité. Mais ils regrettèrent rapidement ce choix car la salle de performance déménagea dans le gymnase, ce qui perturba les habitudes de travail des enseignants et des étudiants, suscitant de nouvelles tensions. Par la suite, la surface des ateliers du gymnase fut encore réduite lorsque, sur décision de la nouvelle direction, une partie de ce bâtiment fut réaffectée aux pratiques amateurs qui venaient d’être renforcées pour tisser un maillage plus étroit entre l’école et la municipalité. Ce fut autant d’espace de travail en moins pour les étudiants qui manifestèrent leur agacement, bénéficiant cette fois-ci du soutien des enseignants.

Les usages dévolus aux objets et aux espaces sont donc des points d’attention pertinents pour mettre en lumière la variété des publics qui fréquentent les écoles d’art : étudiants, enseignants, personnels d’administration, de direction, publics amateurs, etc. Ces publics hétérogènes se distinguent par l’usage qu’ils font de l’espace, la façon dont ils se l’approprient ou le mettent en partage. Mais au-delà des frictions qui scandent les temps ordinaires de la vie d’une école, il s’y organise aussi des moments de cohésion ou les membres de l’établissement éprouvent réflexivement leur unité par la mise en œuvre d’une scénographie de « Commun idéal » (Cheyronnaud 2007 : 113-114). C’est par exemple le cas des réunions de rentrée qui réunissent étudiants et personnels autour d’une présentation des missions de l’école, organisée en présence des représentants des tutelles et, parfois, d’associations partenaires. C’est aussi le cas des fêtes de Noël, où un « temps festif » est parfois organisé pour souder la communauté d’établissement, à l’instar de cette invitation de la direction adressée à l’ensemble des personnels et des étudiants :

Suite à une forte demande des étudiants et pour souder la cohésion de la communauté de l’École (...) (enseignants, personnels, étudiants), j’ai souhaité organiser un temps partagé ce 18 décembre à partir de 16h. A cette occasion, nous nous retrouverons dans l’amphithéâtre (…). Une heure sera consacrée aux présentations de l’école avec ses nouvelles équipes, ce qui permettra à tous d’identifier l’ensemble des personnels. Nous passerons ensuite à la présentation des défis de Noël. La journée se conclura par un temps festif. Il m’a paru intéressant de constituer de manière aléatoire, des groupes étudiants / enseignants / administratifs, qui auront à relever un défi pour cette journée, veille des fêtes de Noël. 

Ces festivités, qui peuvent être comprises comme une manière de « faire école » s’organisent autour d’un objet hors du commun, censé ne cristalliser aucun conflit : ici, un sapin, décoré d’une guirlande faite à partir des photographies de tous les étudiants et personnels de l’école, matérialise l’unité du collectif. Mais cette unité est éphémère, la cohésion du collectif résistant mal aux situations ordinaires d’évaluation qui sont révélatrices de la tension entre deux modèles concurrents : le modèle académique qui repose sur un « idéal de talent » et le modèle Bauhauss qui repose sur un « idéal de créativité « (de Duve 1992 : 28) [16].

Faire école au risque de l’évaluation

Depuis le dernier tiers du vingtième siècle, la mise en crise de la représentation est devenue constitutive du champ de l’art contemporain et de son enseignement. C’est ce que relève Anselm Jappe pour qui ce changement de paradigme n’est pas sans effet sur la justesse des évaluations des travaux des étudiants :

Les diplômes et examens pouvaient se justifier dans les écoles d’art du XIXe siècle : il est effectivement possible de donner un jugement à peu près objectif sur une capacité technique, et on peut établir des comparaisons à son égard. En revanche, pour juger des intentions ou des concepts – et c’est ce qu’on fait dans les écoles d’art aujourd’hui – il n’existe pas de paramètres sûrs. (Jappe 2011 : 136-137).

Ce constat souligne toute l’ambivalence des processus d’évaluation des étudiants mis en œuvre dans les écoles d’art. Ce sont ces processus qui retiendront à présent notre attention, non pour les critiquer, mais parce que leur contestation, lorsqu’elle survient, met en lumière les relations entre les différents publics de ces établissements.

L’évaluation pratiquée en école d’art renvoie à des moments bien définis et codifiés de la vie de ces établissements. Ces temps revêtent deux formes distinctes : les « bilans » et les « diplômes ». À la fin de chaque semestre, les étudiants présentent leur travail plastique devant un jury interne, composé de plusieurs enseignants de l’établissement. Ces « bilans » accompagnent la scolarité des étudiants tout au long des cinq années de formation. Pour les étudiants, ces interactions qui sanctionnent la poursuite de leurs études supposent une forte implication émotionnelle. Elles peuvent aussi cristalliser des tensions avec les enseignants. En effet, comme l’observe H. Becker, « les étudiants savent très bien que leur futur immédiat dépend du jugement des enseignants et cherchent à se conformer à leurs attentes. Celles-ci ne correspondent sans doute pas à ce que requièrent les situations professionnelles. Bien que l’écart puisse être potentiellement radical, bon nombre d’étudiants choisissent de faire ce qu’ils croient que les enseignants veulent qu’ils fassent (sans compter que, bien sûr, leurs idées sur ces attentes sont souvent erronées) ». (Becker 2014 : 39-40). D’où le désarroi des candidats lorsqu’un enseignant marque son autorité par une assertion perlocutoire telle que « je ne comprends pas ». Par contraste à ces épreuves internes, les années de Licence 3 et de Master 2 (dites « années diplômantes ») sont sanctionnées par un examen national. L’étudiant, qui dispose de quarante minutes pour présenter son travail face à un jury extérieur à l’établissement, est noté sur la base de critères ouverts d’évaluation qui laissent une place importante aux discussions du jury. Les jurys de Diplôme National d’Art (DNA) et de Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique (DNSEP) sont composés de plusieurs examinateurs dont les compétences sont fixées réglementairement. Après délibération, les membres du jury peuvent choisir de refuser d’attribuer le diplôme, de l’attribuer mais sans mention, de l’attribuer avec mention ou avec les félicitations. L’enseignant qui représente l’école au sein du jury n’intervient que marginalement dans l’attribution de la notation, son rôle se limitant théoriquement à éclairer le jury sur la scolarité du candidat. Mais l’évaluation ne porte pas sur les seuls candidats. Car l’examen, qui met en scène la relation professeur/élève sous le regard de personnalités extérieures à l’école, est aussi vécu comme une évaluation de l’équipe pédagogique dont le jury peut signaler les manquements ou, au contraire, souligner l’implication sur le procès-verbal. Le caractère public de l’examen auquel toute l’école peut assister vient renforcer cette dramaturgie. À l’annonce des résultats, l’assistance – qui réunit camarades, familles des candidats et personnels de l’école – exprime enthousiasme ou déception allant, en de rares circonstances, jusqu’à applaudir ou huer la décision du jury. Encouragée par certains enseignants, une occurrence de ces désapprobations tapageuses aboutit à l’indignation de l’enseignant en charge du bon déroulement du diplôme :

Je n’en ai pas été le témoin direct, mais les résultats annoncés par un candidat ont été hués, des commentaires agressifs proférés (...) Si cela peut sembler épidermique, excusable par la frustration provoquée par des résultats pourtant honorables, je souhaite dire ici, en mon nom seul, ce qui me choque. Pour mémoire, le jury d’un diplôme est distinct de l’École. Le jury d’un diplôme, ce n’est pas l’École qui valide ses héros, ce sont des pairs qui valident l’autonomie d’un travail naissant, évaluent sa possibilité de résister dans la durée d’une expérience encore à construire. L’épreuve du Dnsep évalue un parcours, et s’il est tenu compte de ce qui se passe en son instant T, le jugement ne se limite pas au ressenti de l’énergie, de la réussite d’un événement, ou de la déception d’une fête espérée. (...) Les réactions de jeudi soir montrent un ton, un tour, détestables et spectaculaires de nos usages, la tentation de se passer de formes, entre autres, de règles d’hospitalité. Les jurés sont invités, ils sont étrangers à nos petits cercles, et sont à respecter. Le travail qu’ils accomplissent est respectable, quel qu’en soit le résultat. (...) On ne devrait pas encourager la claque et les huées. (Mail adressé par l’enseignant en charge du diplôme à l’équipe pédagogique au lendemain des résultats du DNSEP).

Les diplômes constituent donc, au sens plein du terme, des épreuves (Barthe et al. 2013) où chacun des acteurs en présence est susceptible de perdre la face (Goffman 1996). Pour atténuer ce risque, les établissements mettent en place des commissions dites de « passage » ou de « diplomabilité ». Comme nous allons le voir, les décisions de ces commissions, qui suivent une logique ad hoc, donnent parfois lieu à des contestations qui aboutissent à la mise en crise de l’institution.

Pour rendre compte de ces dynamiques d’ébranlement, envisageons à présent deux cas limites d’évaluation. Ces cas ne sont représentatifs ni des formes de notation ni des dysfonctionnements observables en école d’art. Ils nous intéressent dans la mesure où ils montrent comment le sentiment d’un manque de justesse dans l’évaluation peut (ou non) amorcer un contentieux autour duquel va s’agréger un mouvement – c’est-à-dire un collectif constitué autour d’une requête en justice – qui va chercher à interpeller les tutelles par le recours à la fiction.

Le premier cas réfère à une situation extraordinaire où la crise sanitaire conduit une autre école supérieure d’art à valider le DNSEP sur la base du contrôle continu [17] :

Moi c’était un peu particulier, vu que je suis dans l’année COVID. Mais l’école a décidé d’attribuer ou non les diplômes par rapport aux résultats du premier semestre, c’était assez particulier, après il y avait tout un rapport de force entre des enseignants qui étaient tout de même favorables au fait de l’attribuer au plus grand nombre et d’autres qui souhaitaient tout de même, notamment l’administration, qu’il y ait des redoublants, qu’il y ait des « ratés » pour valoriser le diplôme des autres. Du côté de ma promo, la plupart des étudiants l’ont eu, ceux qui l’ont pas eu, c’était dans le cadre de discussions avec eux. Me concernant, j’ai été appelé la veille des résultats par l’équipe enseignante qui m’avait rédigé une petite lettre, qui m’invitait à choisir si je voulais ou non le diplôme, par rapport à mon engagement politique, au rejet que je pouvais montrer de l’institution, ils voulaient – et cette phrase a été dite plusieurs fois dans leur lettre – que « je me positionne » par rapport à l’institution. Selon eux la position à avoir c’était, enfin j’ai quand même eu des entretiens, enfin des bilans, où j’avais des profs qui me demandaient si j’étais anarchiste, du genre « mais est-ce que t’es vraiment anarchiste du coup ? »… Mais qu’est-ce que ça veut dire cette phrase quoi… et du coup leur idée c’était de savoir un petit peu, plus ou moins un piège on va dire quoi, soit j’accepte le diplôme et donc j’accepte l’institution en quelque sorte, soit non, je suis dans une démarche de refus total et donc je refuse le diplôme. Mais ce qui est assez ridicule, dans le sens même, où le fait qu’on puisse me le proposer, dans l’idée, l’acte même de refus c’était assez stupide. Et dans ma logique je voulais largement l’accepter dans le sens où c’était mon sixième diplôme dans l’enseignement supérieur avec onze années d’étude, donc moi ça me fait marrer d’avoir plein de diplômes. (Entretien réalisé par Boris Krommendijk, 2020).

Ce témoignage illustre une situation où le contentieux peut être réglé en interne par les acteurs en présence. En l’occurrence un éventail limité de solutions s’offre à l’étudiant : accepter et se résigner à la proposition pédagogique ; choisir de « démissionner » du diplôme au risque d’en faire paradoxalement un geste artistique (L’Amicale de la déconfiture 2017 : 10-11) ; ou, enfin, négocier avec les enseignants, l’administration et la direction en s’appuyant sur les désaccords existant au sein de l’équipe pédagogique :

J’avais deux profs qui étaient plutôt « de mon côté » on va dire, dans toutes les guéguerres qu’on a avec l’administration, qui participaient aux réunions durant le confinement, qui nous racontaient comment ça se passe, (…) et du coup comme j’avais un peu ces taupes-là ben je savais très bien que mon cas était « difficile », que j’avais des profs qui faisaient vraiment barrière pour que j’aie pas du tout mon diplôme, alors qu’il y en a un qui a même « menacé » de démissionner si je l’avais pas, ce qui était assez rigolo vu que je le connaissais à peine… (Entretien réalisé par Boris Krommendijk, 2020).

La menace de démission brandie par un enseignant est loin d’être aussi anecdotique que le suggère cet enquêté. Elle est symptomatique d’un engagement en régime de justice, là où le corps enseignant ne parvient pas à co-construire un principe d’équivalence justifiable (Boltanski 1990 : 92-113). Parvenu à ce point de désaccord, la négociation qui pourrait s’ensuivre offre – comme le montre le cas suivant – une marge de manœuvre assez limitée.

Le second cas réfère aux résultats contestés d’une commission de passage en Master. Pour être admis en Master, les étudiants de Licence 3 doivent se présenter devant une commission de passage distincte du jury de diplôme. En pratique, ces commissions sont relativement indulgentes. Elles assument surtout une fonction d’orientation, l’admission en second cycle étant davantage conditionnée par des discussions informelles entre étudiants et enseignants. En règle générale, la commission valide le passage pourvu qu’un enseignant accepte de suivre l’étudiant. Mais une année, la commission s’est montrée plus sévère qu’à l’ordinaire, bloquant le passage de la moitié des étudiants alors que la plupart avait déjà obtenu l’accord tacite d’un enseignant. Le verdict fut annoncé une semaine avant le diplôme de DNA – trop tard pour que les « recalés » puissent postuler auprès d’autres établissements. Pour ceux qui voulaient prolonger un cursus en école d’art, la seule option était de « rater » leur diplôme pour redoubler. Les étudiants concernés, qui étaient déjà en conflit avec la direction, dénoncèrent un mode d’évaluation basé sur un « rapport de séduction », adossé à un rapport hiérarchique concomitant d’une tendance dans les milieux professionnel de l’art à assigner les artistes au marketing de soi, ou « personal branding » (Cometti et Quintane 2017b : 64-75). Le sentiment d’injustice lié à cette évaluation fut à l’origine d’un conflit qui conduit à déstabiliser la légitimité de l’institution en dévoilant la verticalité de l’autorité qui s’y exerce. Le mouvement qui s’ensuit dépasse alors les murs de l’école, les publics concernés recherchant une manière adéquate d’interpeller les tutelles de l’établissement en relayant leur indignation dans la presse locale et en dénonçant l’absence de fonctionnement démocratique :

Je me suis présenté aux élections étudiantes de juin dernier au Conseil d’Administration de l’École Supérieure d’Art de XXXX. Le mandat annoncé était un mandat de deux ans. (...) Nous avons été élus par les étudiants qui ont participé assez massivement au scrutin. Un papier signé de l’administration le prouve. Nous n’avons pas eu accès malgré nos demandes au procès-verbal de l’élection. Lors de son discours de rentrée, début octobre, nous avons été très surpris d’entendre le directeur annoncer que les élections de juin étaient annulées. Nous n’y croyions pas. Nous avons pris rendez-vous avec lui, il a refusé de nous recevoir. Nous avons eu des échos de la part d’étudiants qui faisaient état de l’organisation d’une nouvelle élection, dont la participation au scrutin était cette fois-ci restreinte aux seuls délégués de chaque promotion. Nous sommes alors retournés le voir, et à force d’insistance il a accepté un entretien. (...). Je me suis insurgé contre son procédé, suggérant qu’il s’agissait d’une manipulation de sa part, et qu’il n’avait de toute façon aucun droit d’annuler une élection. Il a répondu sur un ton paternaliste que ce n’était pas contre moi, qu’il me fallait accepter la décision de façon « responsable ». Il voulait mettre en place un système de « collège de délégués étudiants » qui serait à son sens beaucoup plus représentatif qu’un suffrage universel. Je lui ai rétorqué que les élections de délégués n’étaient absolument pas plus représentatives puisqu’elles s’étaient déroulées sans aucun cadre, à des moments où il n’y avait pas forcément plus d’étudiants que lors des élections de juin. Lorsque je lui ai dit que de toute façon il n’avait pas la possibilité légale d’annuler les élections, il s’est énervé d’un coup, et a menacé très clairement et avec violence de me renvoyer de l’école. Il m’a dit « la loi, c’est moi qui la fait ici, si je le voulais tu ne serais pas là ». (...) Étant donné le fonctionnement de l’école, j’ai préféré me taire car je ne me sentais pas d’affronter l’école et de me retrouver ostracisé. Je vois aujourd’hui que les choses bougent et que la presse dénonce enfin les agissements scandaleux (...). C’est pour ça que j’ai décidé d’envoyer ce communiqué à la presse aujourd’hui. (Témoignage d’un étudiant publié dans la presse locale).

Les contentieux qui surviennent autour de ces situations d’évaluation révèlent que les publics des écoles d’art ne souscrivent pas nécessairement à la même vision de ce qu’est ou de ce que devrait être l’enseignement artistique. Comme le suggèrent les témoignages précédents, ces divergences d’interprétation aboutissent parfois à une mise en crise de l’institution qui ne se limite d’ailleurs pas à la seule pratique de la création. En de rares circonstances, elle peut aller jusqu’à la remise en cause de la légitimité des formes d’élection ou de désignation qui sont au principe de ces institutions. Les conflits qui en émergent donnent alors à observer comment, pour casser la verticalité de la hiérarchie, les acteurs concernés en appellent à « l’égalité des intelligences ». Empruntée à la philosophie de Jacques Rancière (1987), cette revendication, invite à repérer comment, face à l’incertain, les publics des écoles d’art recourent à la fiction pour élaborer et renouveler les cadres de référence qui donnent sens à leur pratiques (Goodman 2006 : 17 et suivantes).

Recontextualisation des rapports de force par imagination

Pour envisager la prise du conflit en dehors des murs de l’école, on s’appuiera à présent sur un ensemble épars de « témoignages, communiqués de presse, journaux photocopiés, compte-rendu d’actions, tracts plus ou moins anonymes, textes publiés sur des blogs éphémères » compilés par l’Amicale de la déconfiture, un collectif étudiant constitué dans le sillage des mouvements qui ont traversé plusieurs écoles d’art françaises durant l’année 2016 (Amicale de la déconfiture 2017 : 5). Du point de vue des mouvements qui réclament justice, il importe avant tout de s’accorder sur l’action qui convient pour interpeller les tutelles de l’établissement et, au besoin, introduire un « rapport de force ». C’est ce qu’illustre cette discussion entre des étudiants issus de différentes écoles d’art, en réaction à des violences policières subies par des étudiants du collectif « château commun » de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris qui occupait alors la place de la République dans le cadre du mouvement Nuit debout. Cette discussion est sous-tendue par deux conceptions distinctes de ce que devrait être la place d’une école d’art dans la cité. D’un côté, les partisans du mouvement des étudiants parisiens se placent dans le cadre d’un mouvement national, opposé au projet de la loi Travail. D’un autre côté, leurs interlocuteurs affirment une vision plus locale et corporatiste du mouvement des étudiants, considérant qu’ils n’ont pas à s’engager au-delà de ce qui concerne leur école :

Le problème de fond, c’est qu’il y a personne qui nous écoute. Quoi qu’on fasse. Le seul moyen actuellement qu’on a de se faire entendre par la mairie, c’est de tout casser. Ils s’en fichent de ce qu’on est en train de vivre. (...)

° Si on part du principe que le propos est encore de mettre en place un rapport de force, l’idée c’est de s’unir avec les autres écoles qui ont des problèmes, à savoir toutes les autres écoles d’art, y compris celle de Paris. Autant unir le propos, donc d’embrasser leur propos, qui est tout sauf absurde. Il me semble que personne ici n’aurait envie de se prendre des coups de battes dans le nez. Il n’y a qu’en s’unissant avec d’autres qu’on pourra créer un rapport de force. En se mettant ensemble, et en avançant ensemble, faire boule de neige, pour écraser à peu près tout ce qui passe en dessous.

› Est-ce qu’on veut par exemple parler d’une posture un peu synthétique où on dirait que dans les deux cas c’est deux mouvements de jeunesse qui sont à la fois méprisés, nous on est pas réprimés parce que le mouvement a pas atteint ce stade-là, mais qu’on partage en tout cas leurs dynamiques, leurs revendications et le fait, la conscience du fait qu’on est méprisés par le pouvoir.

* C’est intéressant de faire un parallèle, après il faudra proposer une « solution », est-ce qu’on peut faire quelque chose tous ensemble. Est-ce qu’on peut faire chacun dans notre ville un mouvement au même moment ?

° Peut-être ce serait pas mal.

∕ Mais tout casser …

› Non casser nan.

* Tout casser c’est-à-dire ?

› Ce serait le seul moyen de nous faire entendre. Peut-être ça serait casser des trucs.

∕ Avoir un rapport de force ça ne veut pas forcément dire péter la gueule au gens ou casser des trucs. (L’Amicale de la déconfiture 2017 : 25-26).

Cette conversation suggère la difficulté que rencontrent les protagonistes des mouvements étudiants pour s’accorder sur le style d’action qui leur permettra d’instaurer vis-à-vis des tutelles un « rapport de force », non pas littéral mais symbolique. Car la recherche de l’action qui convient peut générer des dissensions au sein d’un mouvement, différentes « cellules » pouvant avancer des lignes de conduite distinctes. C’est ainsi que dans un même établissement des divergences surviennent entre les modes d’action proposés par le collectif anonyme Spice Girls – dont le manifeste en appelle à « une action de ’prise en otage’ d’œuvres d’art stockées dans l’école » (L’Amicale de la déconfiture 2017 : 20) – et le Comité des Serruriers déménageurs qui, un soir d’occupation de l’établissement, entreprend de mettre en carton l’ensemble des bureaux de la direction. Présentée comme une performance par des enseignants craignant des sanctions administratives, cette action mobilise un registre fictionnel pour suggérer le renversement de la direction. L’art assume donc ici une fonction de neutralisation, comme pour désamorcer la finalité politique d’une action et de ses conséquences. L’effet produit n’en est pas moins réel, puisque l’action est à l’origine du départ de l’équipe de direction. Ce n’est qu’alors que les tutelles engagent une démarche de concertation en assignant les publics de l’école à réfléchir ensemble au devenir de l’établissement. Cette assignation à « refaire école » peut prendre, comme ici, la forme d’une lettre de la présidence du Conseil d’Administration adressée aux étudiants et personnels de l’établissement :

Mesdames, Messieurs,

Faisant suite au mouvement de personnels, enseignants et étudiants qui ont eu lieu ces dernières semaines, ainsi qu’au déménagement des bureaux de la Direction, j’ai souhaité prendre le temps de la réflexion (...) Il importe en effet aujourd’hui de travailler dans une démarche participative pour mieux répondre aux problématiques complexes de notre temps sur un nouveau projet d’établissement. (...) A ce titre, les membres du Conseil d’Administration ont retenu quatre orientations qui devront guider ce travail de réflexion :
1) L’élargissement des publics de l’école, et la place des pratiques amateurs ;
2) La bonne lisibilité du projet, la spécificité de l’école dans le contexte national et budgétaire de la Ville et des finances publiques, sa cohérence par rapport aux autres écoles existantes sur et au-delà du territoire (...) ;
3) Quels partenariats institutionnels rechercher et faire vivre au bénéfice de l’école ?
4) Quel ancrage territorial pour l’avenir de l’école d’art (...) ?
(Lettre de la Présidence du CA à l’école d’art en grève).

En assignant leur tutelle au dialogue, les instigateurs du déménagement fictif de la direction parviennent à produire ce que Richard Rorty désigne comme une recontextualisation (du rapport de force) par imagination (Rorty 1994 : 105-132). Pour Rorty, la fiction « en nous immergeant dans des situations contrefactuelles, permettrait d’augmenter notre imagination morale et les « vocabulaires » politiques qui lui sont liés, dans le sens d’une plus grande ouverture et d’une plus grande tolérance » (Quintyn 2017 : 89). Mais, comme l’illustre la conclusion de cette lettre, il subsiste malgré tout une réticence institutionnelle à admettre des modèles de rationalité concurrents et des scenarii alternatifs à ce point agitateurs :

Par ailleurs, et afin d’assurer la gestion courante de l’école et permettre ainsi de terminer l’année scolaire dans les meilleures conditions matérielles possibles, les membres du Conseil d’Administration représentants la Ville et l’État, réaffirment que la Direction doit pouvoir recouvrer les moyens de son travail administratif, et ainsi accéder aux bureaux et matériels de l’École. Nous attirons tout particulièrement votre attention sur la responsabilité portée par tous à la veille du passage des diplômes, et à la difficulté que nous aurions à assurer aux étudiants déjà engagés dans un parcours la poursuite sereine de leurs études si les fonctions administratives de l’école ne devaient plus être assurées (paiement des factures, réalisation des paies du personnel...). Dans le cas où ces conditions et simples mesures de gestion des affaires courantes ne pourraient être réellement mises en œuvre, il conviendrait d’en tirer les constats et conclusions quant à l’avenir de l’École, ce que, pour vous avoir rencontré et entendu, je ne peux pas imaginer. (Lettre de la Présidence du CA à l’école d’art en grève).

Pour désamorcer ce qu’ils considèrent comme la menace à peine voilée d’une fermeture de l’établissement, les collectifs – qui, à ce stade, sont pleinement engagés dans une épreuve de justice devenue épreuve de force – n’ont d’autre recours que d’opérer une symétrisation qui repose sur le dévoilement de la fiction du pouvoir (Rancière 2017) :

Quand le pouvoir s’écrit, il se met en scène sous la forme d’un personnage traversant un jeu de postures. Ici encore, celles-ci s’agencent, mécaniquement : de celle qui tempère, écoute, pèse ses décisions à celle qui fait participer, guide, rassemble, pour arriver au dénouement : celle qui se montre ferme, appelle à la responsabilité, menace (…) Dès lors, l’acte qui pose problème démontre qu’il est l’acte juste. Déposséder le pouvoir de son territoire, c’est rendre palpables, sensibles, les effets de sa symétrie : c’est dire en acte comment nous sommes dépossédés de notre quotidien. (Comité des Serruriers Déménageurs 2016).

Décrire l’hétérogénéité des opérations et des médiations impliquées dans de tels conflits requiert donc de ne pas distinguer a priori ce qui relèverait de la réalité d’une part et ce qui relèverait de la fiction d’autre part. Cette ligne descriptive peut paraître contre-intuitive dans la mesure où elle rompt avec le projet des sciences sociales de dire le monde comme il va ainsi qu’avec la tendance documentaire de certains artistes à s’approprier les codes de la pratique ethnographique (Foster 1997, 2005). Elle présente néanmoins l’avantage d’intégrer à la description les effets « en feedback » de la fiction sur le réel (Elgin 1992 : 36), pour repérer comment des propositions et de actes contrefactuels servent de ressources aux collectifs pour prendre voix et accéder à la parole publique en faisant valoir d’autres formes de rationalité (Rancière 1992 : 11).

Enseignement artistique, enquête et démocratie.

Entre enseignement artistique et démocratie, il y a tout un continuum, que l’observation des écoles d’art permet de mettre au jour. En première lecture, les situations ici décrites pourraient paraître anecdotiques. Après tout, elles renvoient à des questions aussi triviales et ordinaires que la répartition des ateliers, l’attribution des diplômes ou la contestation de l’autorité institutionnelle. Pourtant, leur mise en contiguïté permet d’identifier les publics qui gravitent autour de ces lieux d’enseignement et les façons dont ils s’estiment concernés par les savoirs qui y sont transmis.

Comme le relève Jean-Pierre Cometti à propos du Black Mountain College, l’art, en tant qu’institution « n’est qu’en apparence démocratique ». Il n’en reste pas moins « une expérience pour une multitude de personnes au-delà des choix qui en commandent l’institution » (Cometti et Giraud 2014 : 48). Les conflits qui en émergent donnent alors à penser les représentations que ces acteurs se font de ce qu’est ou de ce que devrait être l’enseignement artistique et les politiques culturelles qui en accompagnent l’organisation. Classiquement, l’enseignement artistique cristallise deux paradigmes historiquement constitués en opposition (De Duve 1992). D’un côté, l’académisme, qui voit l’art comme de l’ordre d’un savoir-faire à transmettre, ce qui du reste s’ajuste assez bien à la forme de gouvernance que les tutelles locales souhaitent pour leur école en demandant que les pratiques amateurs y soient renforcées. D’un autre côté, le refus de l’académisme, suscité par les avant-gardes, qui va de pair avec une mise en crise de la représentation. L’opposition de ces conceptions n’implique toutefois pas leur totale disjonction. Comme le suggère le témoignage d’un directeur d’école d’art recueilli par Jean-Pierre Cometti et Nathalie Quintane, ces modèles fournissent des ressources émiques mobilisables et actualisables pour expliquer ce que les acteurs concernés désignent comme le « paradoxe de la situation actuelle » des écoles d’art :

L’écart entre les amateurs et les professionnels ne s’est guère résorbé (...) l’art contemporain ne cesse d’attirer de plus en plus de public, et pourtant, bon nombre d’élus de gauche comme de droite sont de plus en plus critiques à son égard, et on ne compte plus les lieux d’exposition en difficulté ou en passe de disparaître. Les raisons de ce retrait sont multiples : électoralistes et idéologiques, dans un certain nombre de cas et bien entendu budgétaires. Tant que la culture ne coûtait rien aux collectivités territoriales, elles acceptaient sans trop sourciller sur leurs territoires la présence de cet art trublion, mais sans se l’approprier réellement (trop de controverses au sein des administrés). Aujourd’hui qu’elles doivent mettre la main à la poche à la suite du désengagement de l’État, non seulement elles n’acceptent plus les diktats des conseillers ministériels, qui n’ont plus rien à offrir que leur expertise, mais les questions longtemps mises sous le boisseau apparaissent nécessairement. (Cometti et Quintane 2017a : 61)

Dans ces conditions, on comprend bien le souci des municipalités, qui financent les écoles à 80% ou plus, de favoriser les pratiques amateurs qui s’adressent davantage aux administrés qui sont aussi des électeurs. Cette forme de gouvernance contraste avec l’acception deweyenne de la démocratie sous laquelle « un public moderne est, ou devrait être, un public d’enquêteurs » (Zask 2008 : §31) [18].

Ce contraste est à mettre en relation avec l’émergence des activités dites de « recherche » qui se sont développées dans les écoles d’art, dans le sillage notamment du processus de Bologne. Pour les différents acteurs des écoles, l’inscription de « la recherche » au cœur du projet d’établissement apparaît comme un levier pour consolider l’autonomie de l’école vis-à-vis des tutelles locales. Elle est également perçue comme un moyen de singulariser l’identité de l’établissement au sein d’un maillage national concurrentiel où la survie des plus petites écoles passe par des stratégies de regroupement [19]. Mais malgré la multiplication des conférences et publications consacrées à la définition de ce que devrait ou pourrait être la recherche en École d’art (Sauzedde 2015) la question échoue à trouver une formulation précise tant les grammaires et finalités de la recherche académique – elles-mêmes mises en crise par les politiques « d’excellence » successives – se distinguent de celles de la recherche en création (Cordonnier 2012 : 298-299). Dans ces conditions, interroger les figures de référence et les modèles de l’enquête disponibles pour les artistes désireux d’engager une activité de recherche (Kreplak, Wagon et Guillier 2020) fournit une perspective heuristique pour scruter les ressorts démocratiques de l’enseignement artistique.

À la manière de l’historien Hayden White (2014) qui distinguait « l’histoire utile » de « l’histoire académique », cette perspective conduit à envisager ce qui distingue le « savoir des anthropologues » – pour reprendre la formule de Dan Sperber (1983) – des « savoirs anthropologiques » que mobilisent les artistes pour asseoir et expliciter leurs propres démarches de création et de transmission. Ainsi questionnées, les manières de faire, mais aussi de défaire l’art et ses écoles donnent à penser les permanences et les mutations de la création dans l’espace public, tout en soulignant les conséquences et les ambivalences liées à la mobilisation de l’ethnographie dans le domaine des pratiques artistiques. Nul doute que l’observation de ces déplacements serait fructueuse pour prolonger le projet d’Howard Becker (2007) d’identifier comment arts et sciences sociales mobilisent des langages distincts, mais non moins adéquats, pour « parler de la société » et définir ce qu’il convient d’y transmettre [20].

add_to_photos Notes

[1L’Association Nationale des Écoles Supérieures d’Art (ANdÉA – anciennement Association Nationale des Directeurs d’Écoles Supérieures d’Art (ANDEA), créée en 1995) ambitionne de fédérer les « écoles supérieures d’art et design sous tutelle du ministère de la Culture ». (https://andea.fr/andea/qui-sommes-nous/)

[2Ces remarques sont à nuancer car si certaines études soulignent le rôle déterminant des écoles d’art dans l’enclenchement des carrières artistiques (Patureau et Sinigaglia 2020), d’autres relèvent au contraire que la plupart des artistes recourront à des formes de poly-activité (Buscatto 2015). Ces tendances sont à rapprocher des observations formulées par Yves Michaud qui, en 1993, relevait que « de plus en plus d’élèves sont très conscients, parfois même trop conscients, de ce qui les attend dans le monde de l’art. Ils veulent dès l’école apprendre les techniques qui leur permettront de se débrouiller à la sortie » (Michaud 1999 : 103.

[3Pour Luc Boltanski l’agapé correspond à un « régime de paix en justesse ». Les personnes qui agissent sous ce régime sont dotées de compétences discursives. Toutefois, « elles ne peuvent faire usage du langage pour revenir de façon réflexive sur l’amour qui les lie ici et maintenant (…) en sorte que la possibilité d’un rapport visant à qualifier la situation présente, à totaliser les objets qui la compose et à les rendre calculables suppose le basculement dans un autre régime. » (Boltanski 1990 : 132).

[4Selon le Vade-mecum des écoles supérieures d’art et design territoriales, diffusé par l’ANdÉA en mai 2017, « la grande majorité des écoles supérieures d’art publiques territoriales sont constituées en EPCC, Établissements publics de coopération culturelle, fondés par les collectivités territoriales qui ont créé et porté ces écoles pendant des décennies au sein de leurs services ». Ce statut ne concerne pas les écoles dites « nationales » qui bénéficient de « financements en provenance de l’État central par l’intermédiaire du ministère de la Culture » (Michaud 1999 : 95).

[5Voir par exemple la promulgation de la loi portant sur la Nouvelle organisation des territoires de la République (7 août 2015).

[6Boris Krommendijk a été étudiant dans une école supérieure d’art de 2011 à 2019. Gaspard Salatko a enseigné l’anthropologie de l’art et du patrimoine de 2014 à 2018 dans cette même institution. En recoupant nos regards sur ce terrain partagé, nous souhaitions tout d’abord illustrer comment les ressources de l’anthropologie et du documentaire sont convoquées et mises en actes dans ces lieux de formation artistique. Mais à mesure que nous confrontions nos expériences, il nous est apparu que si nous parlions ensemble d’un même lieu, nous n’en parlions pas de la même manière, nos expériences relevant d’engagements distincts. C’est ainsi que nous avons cherché à regrouper et relier sous une même focale un ensemble de situations propres à rendre compte de nos expériences partagées. Plutôt que de concilier artificiellement nos langages descriptifs, nous avons cherché à nous accorder sur un référentiel commun pour relier nos observations et les mettre en perspective.

[7Au sens de Michel Foucault qui, par « dispositif », désigne un enchevêtrement pratique, juridique, matériel et discursif » qui, à un moment donné, a eu pour fonction majeure de répondre à une urgence » (Agamben 2007 : 9). On relèvera que pour certains praticiens d’un « art politique », la visée de l’action artistique consiste justement à dévoiler l’emprise du dispositif. Voir par exemple l’artiste Piotr Pavlenski lorsqu’il déclare : « Le pouvoir transforme les gens et les objets, il les force à obéir au règlement, à se mouvoir dans l’intervalle entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas vraiment. L’homme qui se soumet est un objet. Mais quand je fais mon action, ces forces de l’ordre deviennent des objets, peut-être même des objets au carré. Car en plus d’être déjà des objets qui remplissent une fonction, ils deviennent des objets artistiques. » (Pavlenski 2016).

[8Au sens actif que J. Dewey (2003) donne à cette notion.

[9Cette attitude descriptive s’accorde avec les visées continuistes du pragmatisme qui reconnait à tous les acteurs les mêmes compétences dans l’enquête (Dewey 2008 ; Zask 2004).

[10Par contraste, « les idéologies individualistes qui s’opposent à cela s’apprécient aux images qu’elles fabriquent, en particulier à une image de la création ou de la créativité qui trouve aujourd’hui un nouveau départ dans le mythe de l’entrepreneur supposé détenir les clés de l’emploi et du bien-être social » (Cometti 2017 : 83-84).

[11Comme le souligne Alejandro Cerletti, la figure du Maître ignorant, explorée par Jacques Rancière (1987) « met au centre de l’attention la tension que subit l’éducation comme reproduction de ce qui existe et de la possibilité d’apparition du nouveau. En ultime instance, (elle) thématise ce que cela signifie qu’il existe, au sens strict du terme, le ’sujet’ de l’éducation, ou mieux encore, les « sujets » de leur éducation. Mais aussi, et surtout, qu’il existe des sujets politiques. » (Cerletti 2005 : 88).

[12Ici, Gaspard Salatko.

[13En l’occurrence La Vierge les coptes et moi de Namir Abdel Messeeh (2012), Le Paradis d’Alain Cavalier (2014) et Veillées d’armes : histoire du journalisme en temps de guerre de Marcel Ophuls (1994).

[14Les travaux de Nelson Goodman entretiennent sur ce point des affinités avec les préoccupations de l’anthropologie contemporaine. Voir par exemple le travail de Philippe Descola pour qui « composer un monde, ce n’est pas se faire une représentation d’un monde déjà présent dont il y aurait autant de visions, autant de représentations différentes que de cultures ; ce ne peut être une représentation de cet ordre car ce monde présent n’existe pas, il n’est nulle part et ne peut être décrit. Composer un monde c’est une façon de percevoir d’actualiser, de détecter (ou non) les qualités de notre environnement et les relations qui s’y créent. » (Descola et Ingold 2014 : 29-30).

[15Exemple de règlement intérieur d’une école concernant l’accès aux ateliers : « Article 11-4 : les horaires d’ouverture et les éventuelles conditions particulières d’accès aux ateliers spécialisés et techniques sont fixés chaque année dans le cadre de l’emploi du temps des enseignant-es et du personnel concerné. Toute dérogation à cet article doit expressément avoir fait l’objet d’un accord préalable du directeur de l’école et du responsable des locaux. »

[16La locution « faire école » est empruntée à l’ouvrage éponyme de Thierry de Duve (1992) pour qui « faire école » consiste à ouvrir une voie entre ces deux modèles en crise (1992 : 28).

[17La possibilité d’un tel aménagement résulte de l’Ordonnance du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.

[18En effet, comme le rappelle Joëlle Zask, la conception deweyenne de l’enquête est solidaire d’un « mode de vie démocratique ». Sous cette visée, « une enquête n’est pas réductible à une ’méthode’. La méthode est sélectionnée en fonction du rôle qu’elle joue dans le champ politique de la participation des citoyens comme dans le champ social de la répartition égale des opportunités d’individuation » (Zask 2008 : §40).

[19L’École supérieure d’art et de design - Tours Angers Le Mans, l’École supérieure d’art et médias de Caen/Cherbourg, le réseau Ecole(s) du sud, l’École européenne supérieure d’art de Bretagne (Brest, Lorient, Quimper et Rennes) en sont quelques exemples.

[20Les auteurs tiennent à remercier Pauline Bertrand, Sarah Cordonnier et Yaël Kreplak qui ont relu et commenté des versions antérieures de ce texte.

library_books Bibliographie

L’AMICALE DE LA DÉCONFITURE, 2017. Après demain, le second jour après celui où l’on est. sl., État 0 Éditions. 

AGAMBEN Giorgio, 2007. Qu’est-ce qu’un dispositif ? Paris, Rivages poche / Petite Bibliothèque.

BARTHE Yannick, DE BLIC Damien, HEURTIN Jean-Philippe, LAGNEAU Éric, LEMIEUX Cyril, LINHARDT Dominique, MOREAU DE BELLAING Cédric, REMY Catherine et TROM Danny, 2013. « Sociologie pragmatique : mode d’emploi », Politix, 103, p. 175-204.

BECKER Howard, 2004. Écrire les sciences sociales. Paris, Economica.

BECKER Howard, 2007. Telling About Society. Chicago, University of Chicago Press.

BECKER Howard, 2014. « La formation en art », Sociologie de l’Art, 2 (OPuS 23 & 24), p. 33-51.

BECKER Howard, 2016. La bonne focale : de l’utilité des cas particuliers en sciences sociales. Paris, La Découverte. 

BOLTANSKI Luc, 1990. L’amour et la justice comme compétences : trois essais de sociologie de l’action. Paris, Métaillié.

BUSCATTO Marie, 2015. « Aux fondements du travail artistique. Vocation, passion ou travail ordinaire ? », in LE ROUX Nathalie (éd.), Le travail passionné. L’engagement artistique, sportif ou politique. ERES, p. 29-56.

CERLETTI Alejandro, 2005. « La politique du maître ignorant : la leçon de Rancière », Le Télémaque, 27 (1), p. 81-88.

CHEYRONNAUD Jacques, 2007. « Sons du sacré : contribution à une Anthropologie des dispositifs cultuels », Ethnologie française, 37, p. 113-117.

COMETTI Jean-Pierre, 2017. « L’art riche », in COMETTI Jean-Pierre et QUINTANE Nathalie (éds), L’art et l’argent. Paris, Éditions Amsterdam, p. 76-88.

COMETTI Jean-Pierre et GIRAUD Éric (dir.), 2014. Black Mountain College. Art, démocratie, utopie. Marseille-Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

COMETTI Jean-Pierre et QUINTANE Nathalie, 2017a. « Dernières nouvelles des écoles d’art : entretien avec le directeur d’une école d’art municipale », in COMETTI Jean-Pierre et QUINTANE Nathalie (éds.), L’art et l’argent. Paris, Éditions Amsterdam, p. 52-63.

COMETTI Jean-Pierre et QUINTANE Nathalie, 2017b. « Témoignages d’anciens étudiants en écoles d’art : L’école des classes », in COMETTI Jean-Pierre et QUINTANE Nathalie (éds.), L’art et l’argent. Paris, Éditions Amsterdam, p. 64-76.

CORDONNIER Sarah, 2012. Les sciences humaines dans le centre d’art convocation des savoirs et institution de l’art contemporain. Cachan, Hermès science publications, Lavoisier, Collection Communication, médiation et construits sociaux.

DESCOLA Philippe et INGOLD Tim, 2014. Être au monde. Quelle expérience commune ? Lyon, Presses Universitaires de Lyon.

DEWEY John, 2003 (1915). Le public et ses problèmes. Pau, Farrago / Léo Scheer.

DEWEY John, 2008 (1938). The Later Works, 1925-1953, vol.12 : Logic : The Theory of Inquiry. Carbondale, Southern Illinois University Press.

DOTARI Jean-Baptiste, 2016. « En France les écoles d’art sont en danger », Les Inrockuptibles, 11 juin 2016. 

De DUVE Thierry, 1992. Faire école. Paris, Les Presses du Réel.

ELGIN Catherine Z., 1992. « Les fonctions de la fiction », Les Cahiers du Musée National d’Art Moderne, 41, p. 33-43.

FOSTER Hal, 1997. « L’artiste comme ethnographe », in BERTRAND-DORLEAC Laurent, GERVEREAU Laurent et GUIBAULT Serge (éds.), Où va lhistoire de l’art contemporain. Paris, ENSBA, p. 447-456.

FOSTER Hal, 2005 (1996). Le retour du réel : situation actuelle de l’avant-garde. Bruxelles, La Lettre volée.

GOFFMAN Erving, 1996 (1973). La mise en scène de la vie quotidienne (1) : La présentation de soi. Paris, Éditions de Minuit.

GOODMAN Nelson, 1990. Esthétique et connaissance. Cahors, Éditions de l’Éclat.

GOODMAN Nelson, 2006 (1978). Manières de faire des mondes. Paris, Gallimard, p. 87-105.

JAPPE Anselm, 2011, « ’Salut les artistes ! Tant pis si je me trompe’ ou la normalisation de l’art », Lunapark, 6, p. 135-142.

KOSELLECK Reinhart, 1979 (1959). Le règne de la critique. Paris, Éditions de Minuit.

KREPLAK Yaël, BOUTONNIER Thierry, WAGON Gwenola et GUILLIER Alexis, 2020. « Des artistes, des enquêtes, des pratiques ingénieuses », SociologieS (en ligne), http://journals.openedition.org/sociologies/14124.

MICHAUD Yves, 1999 (1993), Enseigner l’art ? Analyses et réflexions sur les écoles d’art, Nîmes, Éditions J. Chambon.

PATUREAU Frédérique et SINIGAGLIA Jérémy, 2020. Artistes plasticiens : de l’école au marché. Paris, Ministère de la Culture - DEPS.

PAVLENSKI Piotr, 2016. Le cas Pavlenski. La politique comme art. Paris, Louison Éditions.

QUINTYN Olivier, 2017. Implémentations/implantations : pragmatisme et théorie critique : essais sur l’art et la philosophie de l’art. Paris, Questions théoriques.

RANCIÈRE Jacques, 1987. Le maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle. Paris, Fayard.

RANCIÈRE Jacques, 2014. Le fil perdu. Paris, La Fabrique.

RANCIÈRE Jacques, 2017. Les Bords de la fiction. Paris, Seuil.

RORTY Richard, 1994. Objectivisme, relativisme et vérité. Paris, Presses Universitaires de France.

SAUZEDDE Stéphane, 2015. « Inventer le diplôme supérieur de recherche en art », Hermès, La Revue, 72 (2), p. 91-97.

SPERBER Dan, 1983. Le savoir des anthropologues. Paris, Hermann.

SFAR Joann, 2018. Modèle Vivant. Paris, Albin Michel.

TIBLOUX Emmanuel, 2016. Demain l’école d’art. Actes des assises nationales des écoles d’art, 29 et 30 octobre 2015. Paris, Presses du Réel.

WHITE Hayden, 2014. The Practical Past. Evanston, Northwestern University Press. 

ZASK Joëlle, 2004. « L’enquête sociale comme inter-objectivation », Raisons pratiques, 15, p. 141-165.

ZASK Joëlle, 2008. « Le public chez Dewey : une union sociale plurielle », Tracés, 15 (en ligne), http://journals.openedition.org/traces/753.

Pour citer cet article :

Gaspard Salatko, Boris Krommendijk, 2022. « Défaire l’école d’art. Les ressorts démocratiques de l’enseignement artistique ». ethnographiques.org, Numéro 42 - décembre 2021
Rencontres ethno-artistiques [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2021/Salatko_Krommendijk - consulté le 02.05.2024)
Revue en lutte