La fabrication et les usages politiques du « patrimoine horloger » dans le Pays de Neuchâtel

Résumé

Dès le début du XVIIIe siècle, l’industrie horlogère a été une activité importante dans l’essor économique et la construction identitaire de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Arc jurassien suisse. De manière peu surprenante, le 25 mars 2003, le Conseil d’Etat du Canton de Neuchâtel accepta une Motion réclamant une meilleure « valorisation du patrimoine horloger dans le Pays de Neuchâtel ». Cristallisant les préoccupations de différents députés neuchâtelois, ce geste politique initia la création d’un important ensemble de projets qui lièrent la notion polymorphe de « patrimoine » aux traces historiques ou aux formes actuelles de l’industrie horlogère locale. Dans cette contribution, je décris premièrement à travers quelles étapes les champs touristiques et culturels de la région ont été progressivement investis par la catégorie de « patrimoine horloger » et comment, en retour, ils ont contribué à sa permanente recréation. Deuxièmement, je montre comment les usages de cette catégorie ont induit la production de régimes de temporalité qui permettent désormais de soutenir différentes actions politiques dans le canton.

Abstract

The creation and political uses of "watch-making heritage" in the Neuchâtel region (Switzerland). Since the beginning of the 18th century, the watch-making industry has been crucial in the economic rise and the identity construction of the Swiss Jura region. Not surprisingly, on March 25th, 2003, the Neuchâtel State Council passed a motion calling for the "valorization of watch-making heritage in Neuchâtel". Crystallizing the preoccupations of local leaders around issues of regional development, this political gesture served to launch an important number of projects, which attempt to link the polymorphic notion of "heritage" with the historical traces and current forms of the local watch-making industry. This paper first describes through which steps the organisms of regional tourism and culture have become involved in giving life to the category of "watch-making heritage" and, by the same token, have participated in its permanent recreation. Secondly, it shows how the uses of this category have induced the production of new modes of temporality that underwrite contemporary political action in the canton.

Sommaire

Table des matières

« Il s’agit de créer une synergie entre les musées de l’histoire de la mesure du temps et le véritable musée vivant qu’est le Pays de Neuchâtel en la matière, avec un tiers des emplois liés à la branche horlogère. »
(Spoletini et Houlmann, Motion déposée au Grand Conseil du Canton de Neuchâtel, 2002)

Le patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel : une invention récente ?

Préambule

Les milieux horlogers de l’Arc jurassien suisse, et du canton de Neuchâtel en particulier, semblent, aujourd’hui plus que jamais, soucieux d’inscrire leur présent dans une forme de continuité temporelle qu’ils instaurent et reproduisent avec une régularité presque chronométrique. Comme l’affirment Bujard et Tissot, « il est symptomatique de constater que l’horlogerie n’a jamais [...] autant conçu son avenir qu’en faisant appel à son histoire [...] [et que la] volonté d’être à tout prix dans l’histoire amène à la rechercher frénétiquement, quitte à la créer ou à la recomposer » (2008 : 9).

En témoigne, par un jeu d’échos, l’ampleur avec laquelle la catégorie de « patrimoine horloger » occupe désormais le devant des scènes touristiques, culturelles et médiatiques de la région neuchâteloise, en se déclinant en une myriade de projets. Cette catégorie ne signale toutefois pas le versement naturel du passé au compte du présent. Celle-ci ne va absolument pas de soi et mérite d’être interrogée en regard de deux observations. D’une part, les divers projets et évènements [1] qui s’organisent désormais au nom du « patrimoine horloger », dans le canton de Neuchâtel, ne sont pas vieux de plus de quinze ans. D’autre part, la mise en lien de deux ouvrages scientifiques relatifs à l’histoire horlogère de la Suisse et du canton de Neuchâtel (écrits à un peu plus de quinze ans d’intervalle l’un de l’autre) autorise un étonnant constat. Dans L’homme et le temps en Suisse (Cardinal et al., 1991) qui paraît au début des années quatre-vingt-dix pour marquer le sept-centième anniversaire de la Confédération Helvétique, l’horlogerie suisse et son passé sont envisagés canton par canton, selon des thématiques transversales, sans qu’aucun usage de la catégorie de « patrimoine horloger » ne soit fait. De manière contrastée, en 2008, la publication du livre Le pays de Neuchâtel et son patrimoine horloger (Bujard et Tissot, 2008) présente le « patrimoine horloger » comme une notion-clé qui, sans toutefois être pleinement assumée ni même utilisée par tous les acteurs ayant contribué à la réalisation de l’ouvrage, n’en demeure pas moins mobilisée comme un outil de caractérisation de la « vitalité » avec laquelle s’exprime, au présent, l’« histoire » de l’horlogerie neuchâteloise.

Fort de ce double constat, je déduis que le « patrimoine horloger » du Pays de Neuchâtel est une invention récente. En un peu moins de vingt ans, une transformation dans la caractérisation du passé horloger du canton s’est, de toute évidence, opérée et le « patrimoine horloger » a été institué comme nouvel objet de discours et de pratique. Mais de quelle transformation s’agit-il ? En quoi configure-t-elle les rapports que divers acteurs sociaux entretiennent désormais avec la temporalité, le territoire et l’horlogerie ? Je ne prétends aucunement ici que ce que la catégorie de « patrimoine horloger » désigne date de la fin des années quatre-vingt-dix, ni qu’une telle catégorie est apparue à ce moment-là. D’une part, elle renvoie à un passé horloger plus ancien dont l’historiographie et les fonds d’archives régionaux témoignent. D’autre part, l’histoire des musées d’horlogerie de l’Arc jurassien attestent de l’existence d’un « souci patrimonial » lié à l’horlogerie depuis, au bas mot, le début du XXe siècle [2]. Je postule néanmoins que, dès la fin des années quatre-vingt-dix, une déclinaison singulière de ce « souci » a fait son apparition dans la région. La catégorie de « patrimoine horloger » a alors subi une importante mutation qui a reconfiguré son format et son « agentivité », lui conférant un sens et un statut nouveaux. A ce moment-là, une volonté publique de valoriser les traces de l’histoire horlogère s’est en effet profilée sur les devants de la scène touristique de l’Arc jurassien suisse. Le patrimoine horloger a progressivement "glissé" d’un contexte de définition et d’usage spécifique au champ muséal à un contexte d’application relatif au développement territorial. Tout un dispositif politique et social a alors été fédéré autour du « patrimoine horloger » et, en moins de quinze ans, les sphères culturelles, urbanistes et scientifiques de la région ont été progressivement investies par cette catégorie, qu’elles ont, en retour, contribué à recréer.

Dans cette contribution, j’entends montrer comment divers enjeux de valorisation territoriale ont récemment conduit les pouvoirs publics, le monde politique mais également certains membres et organismes de la société civile à faire du « patrimoine horloger » l’objet de nouvelles formes d’appropriation. A cette fin, je décrirai tout d’abord les étapes qui ont conduit à la requalification du « patrimoine horloger » en catégorie d’action publique et en outil de promotion touristique. Etudier les cadres et les pratiques à travers lesquels ce champ patrimonial a été inventé me permettra de caractériser ses "coulisses" et d’en reconstituer le "hors-champ". A cet égard, je me demanderai comment la continuité temporelle qui conditionne la "fabrication" de ce « patrimoine horloger » a été produite et en quoi les traces qui attestent de cette continuité ont été le fruit de négociations politiques et scientifiques. Dans un second temps, j’illustrerai la manière dont la formation de nouvelles acceptions du « patrimoine horloger », en dehors du cadre muséal, a insufflé une dynamique d’action politique et de légitimation de projets dans le canton. Il s’agira de comprendre comment les différents usages du « patrimoine horloger » ont induit de nouveaux régimes de temporalité en vertu desquels il est désormais possible de faire valoir et de justifier un certain nombre d’arguments et de positions sur l’échiquier politique local.

Liminaire

Le présent article est issu de la recherche ethnographique que je mène actuellement sur les processus de patrimonialisation de l’horlogerie dans l’Arc jurassien suisse et le canton de Neuchâtel. Il se nourrit des matériaux que j’ai collectés pendant deux années d’enquête où j’ai parallèlement croisé trois modes d’investigation distincts. Premièrement, j’ai réalisé différents "terrains" d’observation lors de visites d’usines, d’ateliers et lors de divers évènements relatifs à la valorisation du « patrimoine horloger ». Deuxièmement, je me suis entretenu avec plus d’une septantaine d’acteurs du champ horloger sur les thèmes de l’histoire, de la transmission et de la spécificité régionale en matière d’horlogerie. Enfin, j’ai effectué une étude de la documentation liée aux institutions et organismes qui mettaient en jeu la catégorie de « patrimoine horloger ». J’ai également fait une analyse des différents articles qui en traitaient dans la presse régionale, les revues et sites spécialisés, ainsi que dans le fonds d’archives d’un horloger.

Ce travail s’inscrit, par ailleurs, dans la lignée de différents travaux anthropologiques (Lenclud, 1987 ; Debary, 2002 ; Rautenberg, 2003 ; Tornatore, 2010) qui abordent les pratiques patrimoniales en montrant que « le passé n’est pas seulement construit dans le présent, [mais qu’] il est aussi construit par le présent » (Rautenberg, 2003). Ces travaux soulignent que le patrimoine est le résultat d’une opération qui se réalise à partir d’un décrochement temporel, d’une « rupture » (Rautenberg, 2003) ou d’une requalification « des restes » (Debary, 2002) dans lesquels « le présent choisit son passé en s’en séparant » (ethnographiques.org, appel à contribution pour ce numéro). Partant, ils invitent à considérer ce « choix » avec attention en caractérisant les enjeux, rapports de force et luttes sociales qui le façonnent. Si de tels conflits semblent inhérents à tout processus de patrimonialisation, le travail de l’ethnologue est justement de décrire leurs effets dans la production du territoire et la recomposition du passé, le lieu et la temporalité étant davantage des effets de la « patrimonialité » d’un objet ou d’une pratique que des catégories qui conditionnent l’élaboration de celle-ci.

Valoriser le territoire : les dynamiques de fabrication du « patrimoine horloger »

La « Mise en valeur du patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel » (2002)

Dans le canton de Neuchâtel, c’est un geste politique qui présida à la redéfinition du « patrimoine horloger » comme enjeu pour le développement territorial. En effet, le 25 mars 2003, le Grand Conseil neuchâtelois accepta une Motion, déposée le 24 juin 2002 par les députés Giovanni Spoletini et Viviane Houlmann, qui réclamait la « mise en valeur du patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel » (Spoletini et Houlmann, 2002). L’acceptation de cette Motion inaugura, dès lors, la mise en place d’un ensemble de projets qui visait à lier la catégorie polymorphe de « patrimoine » aux formes dans lesquelles s’actualisaient les traces de l’histoire horlogère du canton. Sans savoir précisément ce que recouvrait la catégorie de « patrimoine horloger » qu’ils manipulaient alors, les deux députés relevaient cependant que « le patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel n’[était] pour l’instant mis en valeur que par les musées, sans véritable synergie avec les lieux où s’[était] déroulée cette histoire légendaire » (Spoletini et Houlmann, 2002). Ce constat les autorisait à souhaiter « que le canton de Neuchâtel mette en place une étude pour procéder d’abord à l’identification, puis à la mise en valeur des contenus industriels et culturels de [son] histoire horlogère » (Spoletini et Houlmann, 2002). Ainsi, la première requête que soumirent les motionnaires aux autorités neuchâteloises réclamait la création d’une structure capable de répondre à la question « qu’est-ce que le patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel ? » Une telle interrogation atteste qu’à ce stade du processus, la volonté de valoriser le « patrimoine horloger » correspondait plus à une intuition politique qu’au produit d’un ensemble de connaissances déjà établies.

Dans la suite de la Motion, les députés précisaient que l’étude qu’ils demandaient devait se faire « dans l’optique du développement d’un produit touristique basé sur le patrimoine horloger » (Spoletini et Houlmann, 2002) afin de « mieux accompagner les projets de la promotion économique et l’offre de formation nationale et internationale des écoles ciblées sur l’horlogerie et la microtechnique » (Spoletini et Houlmann, 2002). Ils mentionnaient, en outre, que « l’environnement architectural de cette industrie ainsi que l’habitat caractéristique de[s] deux cités horlogères [c’est-à-dire, La Chaux-de-Fonds et Le Locle] et des autres centres horlogers du canton [y] seront mis en valeur et présentés de manière interactive afin d’être inclus dans un véritable circuit de visite historique, culturel et touristique » (Spoletini et Houlmann, 2002). Les motionnaires ajoutaient enfin que « l’accent sera mis sur l’aspect culturel et technique du savoir-faire neuchâtelois dans [l]e domaine [horloger] » et que « ce travail devra servir à terme à l’élaboration d’un concept et label neuchâtelois qui illustre [la] grande tradition [du canton] ainsi que [son] originalité par rapport aux autres lieux horlogers de l’Arc jurassien » (Spoletini et Houlmann, 2002).

Le projet Watch Valley ou la genèse de la valorisation politique du « patrimoine horloger »

Dans la suite de la Motion, les députés neuchâtelois soulignaient un élément d’importance qui permet d’identifier ce qui présida à la formation progressive du « patrimoine horloger » sur le devant de la scène touristique du canton de Neuchâtel. Ils déclaraient en effet que « [le] contenu [du concept et label neuchâtelois dont ils réclamaient la création] se v[oulai]t plus spécifique et ciblé que ne p[ouvai]t l’être le concept régional et grand public de Watch Valley » (Spoletini et Houlmann, 2002) mais que « cependant, il d[eva]it s’inscrire dans ce concept touristique de l’Arc jurassien ». L’évocation du projet Watch Valley — Pays de la précision comme cadre dans lequel le label horloger neuchâtelois en devenir devait s’inscrire et se démarquer à la fois renvoie à ce qui peut être considéré comme la première tentative des pouvoirs publics de l’Arc jurassien de mettre en place un tourisme basé sur l’histoire horlogère. A ce titre, et sans qu’il ne mette explicitement en jeu la catégorie de « patrimoine horloger », le projet Watch Valley contribua indirectement à l’élaboration de la Motion de 2002. Conçu en 2000 par Arc Jurassien Tourisme [3], Watch Valley désigna, en écho à la Silicon Valley californienne, un label de destination touristique qui « utilis[ait] la thématique de l’horlogerie pour se différencier des autres régions suisses » (site de l’Association régionale Jura-Bienne).

Ce label fut élaboré à partir d’un projet initial intitulé La Route de l’horlogerie, que l’Association mena dès 1998. Cette Route constituait un circuit touristique de deux cents kilomètres, composé de diverses étapes qui s’étendaient de Genève à Bâle et « célébraient » l’histoire de la concentration horlogère dans l’Arc jurassien suisse.

Elle cartographiait le territoire de la Watch Valley en suivant scrupuleusement le versant suisse de la chaîne du Jura et incluait principalement des visites de musées, des tours de villes et de villages impliqués dans l’histoire de la fabrication de montres et de pendules.

Malgré un certain succès initial, Watch Valley n’obtint néanmoins pas la reconnaissance escomptée auprès du public. Sans que ce projet régional ne fût considéré comme un échec cuisant, ni même immédiatement abandonné, il suscita, dès 2002, la réponse cantonale que cristallisa la « Motion pour la mise en valeur du patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel ».

Quels effets l’acceptation de la Motion de 2002 a-t-elle induits ?

L’acceptation de la Motion en 2003 initia la création d’un ensemble de projets qui visaient à identifier et valoriser le « patrimoine horloger » du canton. Parmi ces différents projets, deux initiatives d’envergure sont à relever. Il y eut, tout d’abord, la réalisation d’un important inventaire du « patrimoine » de l’horlogerie neuchâteloise. A partir d’un appel à témoins, cet inventaire fut réalisé, de novembre 2004 à mai 2005, par une historienne sous l’égide du Musée International d’horlogerie (M.I.H.) de La Chaux-de-Fonds (Aguillaume, 2004). Il permit la constitution d’un « patrimoine horloger cantonal » à partir de témoignages et d’éléments conservés par des musées, des services publics, des entreprises et des particuliers (archives, dessins techniques, établis, pièces, outils, machines, bâtiments, documents publicitaires). Le 4 novembre 2004, une présentation de l’inventaire en cours fut organisée au M.I.H. Il y fut souligné qu’en faisant l’objet d’un recensement, les éléments de l’histoire horlogère inventoriés, alors « menacés » par méconnaissance de ce qui pouvait être conservé, pourraient être exploités de multiples façons, notamment « historiographiques » et « touristiques ».

En second lieu, le 11 septembre 2008, fut publié l’ouvrage scientifique préalablement cité dans ce travail, Le Pays de Neuchâtel et son patrimoine horloger, qui retraça l’histoire sociale et technique de l’horlogerie en terres neuchâteloises. Fruit d’un partenariat public-privé, de la collaboration de l’Université de Neuchâtel et de l’Office de la protection des monuments et des sites du Canton neuchâtelois, l’ouvrage rassembla les travaux de neuf auteurs issus de l’université et des musées cantonaux.

Dans le communiqué de presse qui signala sa parution, l’ouvrage fut présenté comme la « première référence de l’histoire horlogère neuchâteloise en ce début du XXIe siècle » [4]. Il y fut par ailleurs relevé que cette publication venait concrétiser « la Motion "Mise en valeur du patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel" [qui] réclamait une meilleure reconnaissance et mise en valeur du patrimoine horloger du canton de Neuchâtel et du potentiel touristique de ce dernier » (Spoletini et Houlmann, 2002). Un tel rappel faisait directement écho à l’introduction de l’ouvrage écrite par ses deux directeurs scientifiques qui assuraient qu’en le préparant, ils avaient voulu répondre aux « préoccupations qui habit[ai]ent les milieux politiques, économiques et culturels pour entreprendre des actions, solliciter les énergies ou réunir des fonds » (Bujard et Tissot, 2008 : 10-11) afin de sauvegarder le « patrimoine horloger ». Le communiqué de presse ajouta, en outre, que l’ouvrage « richement illustré de pièces et documents remarquables, et édité en versions française et anglaise, [...] paraît apte à participer au rayonnement de la tradition horlogère neuchâteloise en Suisse aussi bien qu’à l’étranger ». Tout en s’inscrivant dans une stratégie politique de valorisation du territoire cantonal, la publication de cet ouvrage institua alors les fondements et la caution scientifiques de la catégorie de « patrimoine horloger » et permit ainsi d’asseoir publiquement la légitimité de son usage.

L’« urbanisme horloger » de La Chaux-de-Fonds et du Locle au Patrimoine mondial de l’Unesco (2004-2009)

Dès 2004, parallèlement à la « Mise en valeur du patrimoine horloger du Pays de Neuchâtel », un autre projet d’envergure contribua grandement à mettre en forme et à stabiliser cette catégorie de « patrimoine horloger » au niveau cantonal. Il s’agit de la candidature des villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle à l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco pour la qualité de leur « urbanisme horloger ». Ce concept fut inventé dans le cadre de la candidature pour exprimer la richesse particulière de l’architecture industrielle des deux villes qui, dès la fin du XVIIIe, s’était progressivement ajustée aux nécessités du développement et de l’essor de l’activité horlogère locale. A ce titre, le site internet consacré à ce projet relevait que « [...] la singularité des villes du Locle et de La Chaux-de-Fonds appara[issai]t puis se confond[ait] avec l’histoire de l’industrie horlogère » [5].

En se focalisant sur « la conservation de l’intégrité et de l’authenticité [du] tissu urbain ancien [de ces deux villes] ainsi que [sur] la continuité dans la tradition et l’innovation de leur industrie [...] » (Jeanneret, 2009 : 17), le comité de pilotage de la candidature (composé de délégués des deux villes, du Canton et de la Confédération suisse) travailla près de cinq ans à la constitution d’un dossier susceptible de démontrer que cet « urbanisme horloger [...] form[ait] un patrimoine exceptionnel à valeur universelle » (Jeanneret, 2009 : 17). En faisant valoir que La Chaux-de-Fonds et le Locle étaient des « exemples exceptionnels de symbiose entre industrie et urbanisme » et qu’elles avaient « été bâties au XIXe siècle par et pour l’horlogerie » (http://www.urbanisme-horloger.ch/index.asp/3-0-10-8023-131-207-1/), le Comité œuvra à sensibiliser les milieux politiques, horlogers et la population de la région à la richesse de ce « patrimoine ». Il souligna, de plus, que « l’inscription de ces deux villes [...] offrirait une notoriété accrue à [leurs] industries de pointe, tant à la branche horlogère qu’à la microtechnique, toutes deux issues de la même tradition et des mêmes savoir-faire » (http://www.urbanisme-horloger.ch/index.asp/3-0-10-8023-131-207-1/)

Le projet de candidature démarra à la fin de l’année 2004 après que les deux villes eurent été officiellement retenues par la Confédération sur la liste indicative des sites suisses susceptibles de figurer au Patrimoine mondial. Soutenu financièrement par les villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle, le canton de Neuchâtel et la Confédération, le dossier de candidature fut achevé en 2007 et officiellement remis au centre du Patrimoine mondial de l’Unesco à Paris, le 21 décembre de la même année. Après quoi, le Comité du Patrimoine mondial de l’Unesco expertisa le dossier, délibéra et inscrivit les deux villes sur sa liste le 27 juin 2009.

Le jour où l’inscription des deux villes à l’Unesco fut proclamée, une grande manifestation fut organisée sur la place de l’Hôtel de ville à La Chaux-de-Fonds. A cette occasion, la Télévision Suisse Romande réalisa plusieurs reportages de quelques minutes où responsables du projet de candidature, représentants politiques locaux et habitants des deux villes expriment à l’unisson, dans une rhétorique quelque peu revancharde, le sentiment qu’ils vivent cette inscription comme un « soulagement », une « reconnaissance », une « fierté » pour le « Haut » du Canton et ses « vraies villes » que décrient systématiquement les médias [6], le « bas » du Canton et l’Arc lémanique [7].

De manière significative, un peu plus d’une année après l’inscription, le Conseil communal (exécutif) de la ville de La Chaux-de-Fonds releva que « l’inscription par l’Unesco de l’urbanisme horloger de La Chaux-de-Fonds et Le Locle comme sites du patrimoine mondial de l’humanité a[vait] donné à la Métropole horlogère [8] un remarquable élan [...] » et qu’« elle a[vait] aussi apporté une nouvelle légitimité à la volonté de construire la notoriété de la ville » (site internet des Journées de la Métropole horlogère) [9].

Il convient, par ailleurs, de mentionner que la conduite du projet de candidature ne fut pas spécifiquement initiée par la Motion Spoletini/Houlmann. Il s’agit bien de deux projets distincts l’un de l’autre. La candidature à l’Unesco participa cependant d’une préoccupation patrimoniale qui était dans l’air du moment et bénéficia, en outre, de l’impact du geste politique de 2002. D’une part, la réalisation du dossier de candidature conduisit, en effet, son comité de pilotage à solliciter un réseau d’experts de l’histoire horlogère du canton qui n’était autre que celui qui travaillait alors à la confection de l’ouvrage Le Pays de Neuchâtel et son patrimoine horloger. D’autre part, le Rapport d’information sur la politique culturelle que le Conseil d’Etat neuchâtelois adressa à son Parlement le 29 septembre 2008, synthétise les diverses actions initiées par le Conseil d’Etat à la suite de l’acceptation de la Motion en 2003. A la rubrique « projets déjà entrepris », le rapport souligne qu’« il faut intégrer [...] le travail réalisé dans le cadre de la candidature à l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco des villes horlogères de La Chaux-de-Fonds et du Locle » (Conseil d’Etat du Canton de Neuchatel, 2008 : 32). Le Rapport stipule ensuite que « le Canton a participé à la préparation du dossier par l’intermédiaire de l’Office de la Protection des Monuments et des Sites [et] a également apporté une contribution financière, par le biais du Fonds d’encouragement des activités culturelles de Frs. 30’000.- [...] » (Conseil d’Etat du Canton de Neuchatel, 2008 : 32). De plus, il relève qu’en 2008, alors que l’inscription des deux villes à l’Unesco n’était pas encore établie, le Conseil d’Etat neuchâtelois faisait déjà l’hypothèse que le cas échéant, cette « ambitieuse entreprise serait la mieux à même de répondre aux attentes des motionnaires [cf. élaborer un concept et label spécifiquement neuchâtelois] » (Conseil d’Etat du Canton de Neuchatel, 2008 : 32). Enfin, sans que la candidature à l’Unesco ait constitué un effet de la Motion de 2002, elle matérialisa indirectement un des buts qu’exprimait celle-ci en proposant un produit touristique basé sur le patrimoine horloger.

Dans le sillon de la candidature à l’Unesco... l’émulation locale pour le patrimoine horloger (2007-2011)

Dans la dynamique lancée par la candidature des cités horlogères à l’Unesco, divers projets de valorisation du territoire des montagnes neuchâteloises furent élaborés. Ainsi, entre 2007 et 2009, dans le cadre strict ou le prolongement du dossier de candidature, deux projets d’importance furent conçus autour d’un même dénominateur commun, le « patrimoine horloger ». Celui-ci fut l’objet d’appropriations successives et d’un engouement graduel qui se concrétisa dans la mise en place de Journées du patrimoine horloger et de Journées de la Métropole horlogère. Ces deux évènements contribuèrent à assigner à la catégorie de « patrimoine horloger » un statut plus établi et à lui assurer une forme d’autorité effective dans la région.

Organisées annuellement dans le contexte et par le bureau de candidature des deux villes au patrimoine mondial de l’Unesco, les Journées du patrimoine horloger (JPH) prirent place à La Chaux-de-Fonds et au Locle, dès l’automne 2007. Elles consistèrent en l’ouverture annuelle (puis biennale depuis 2010), une journée durant, des différents lieux dévolus à la pratique de l’horlogerie tels que les usines, les ateliers d’horlogerie et de métiers ayant trait à celle-ci, les écoles professionnelles et les musées. En initiant de telles collaborations, les organisateurs des JPH faisaient le "pari" de « [...] donner l’occasion au grand public de se familiariser avec le riche patrimoine horloger matériel et immatériel de la région, et [de] valoriser [l]es deux ensembles urbanistiques et culturels voués à l’horlogerie [...] » (site de la Confédération suisse) [10], Les JPH devinrent ainsi, année après année, un énorme succès régional, le nombre de visiteurs augmentant progressivement tout comme celui des activités qui y sont proposées.

Pour le bureau de candidature à l’Unesco, l’organisation d’un tel évènement présentait un double enjeu. Elle lui offrait, d’une part, l’occasion de rapprocher la population locale du patrimoine horloger qu’elle portait (à son insu ?) et de se conformer ainsi aux exigences de l’Unesco. Elle lui permettait, d’autre part, de mettre en scène le dynamisme de l’horlogerie régionale, en exprimant la continuité avec laquelle, malgré son ancienneté, elle se perpétuait effectivement. En invitant les visiteurs à « pénétrer au cœur des savoir-faire les plus minutieux, [d’] en mesurer la précision et [d’] en découvrir la richesse au travers des Musées [...] » (JMH, 2010 : 13), l’objectif était de montrer en quoi les gestes des horlogers au travail relevaient d’une forme de « patrimoine local » actualisé. Les JPH furent ainsi utilisées comme « attraction touristique » (Hellmann, 2011) et comme complément nécessaire au dossier de candidature. Elles exprimèrent le fait que le « patrimoine horloger » de la région ne se matérialisait pas seulement dans le bâti et l’architecture mais qu’il s’incarnait avant tout dans les habiletés et les compétences des praticien-ne-s qui pérennisaient le métier. La construction de ce « patrimoine vivant » marqua ainsi des liens de forte continuité entre le récit historique de l’horlogerie régionale et les formes présentes dans lesquelles l’activité s’exerçait. Durant les JPH, cette continuité était ainsi immédiatement accessible au public qui pouvait, en l’éprouvant, concilier histoire générale et expérience individuelle, l’espace d’un moment.

En automne 2009, dans le prolongement de la candidature à l’Unesco, un autre évènement annuel focalisé sur le « patrimoine horloger » fut conçu à La Chaux-de-Fonds. Il s’agit des Journées de la métropole horlogère (JMH) qui furent lancées avec le soutien de la Nouvelle politique régionale (NPR) [11]. Dès leur création, elles affichèrent la volonté de « fédérer une série de manifestations préexistantes [dont les Journées du patrimoine horloger qui furent, dès leur seconde édition, incluses dans les JMH] et d’en lancer de nouvelles, toutes dans le but de mettre en valeur le patrimoine horloger de l’Arc jurassien, des Montagnes neuchâteloises et plus particulièrement de La Chaux-de-Fonds, berceau de l’horlogerie helvétique » (Bysaeth, 2008). Ainsi, les JMH avaient pour vocation explicite de révéler l’ « ADN » de la ville et de son « patrimoine horloger » en proposant des conférences, des expositions et des séances d’initiation relatives aux montres et à leur fabrication. Les organisateurs de l’évènement insistèrent sur le fait qu’en ayant « l’ambition de décliner la culture horlogère sous ses aspects professionnel, commercial et culturel » (Bysaeth, 2008), les JMH étaient conçues pour devenir « à terme [...] une manifestation internationalement connue et reconnue » (site des JMH) [12], et constituer « au fil des années, le rendez-vous mondial et incontournable de [l’] industrie [horlogère] » [13]. Les organisateurs soulignèrent, de plus, que ces Journées se devaient d’« être enrichissantes et qualitatives de sorte à rejaillir sur la région de manière stimulante » (site des JMH). Le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds insista, quant à lui, sur le fait que « les Journées de la Métropole Horlogère apport[ai]ent une contribution majeure à la volonté de traduire l’inscription au patrimoine mondial en dynamiques concrètes et nouvelles » [14]. A quoi il ajouta qu’ « elles nourriss[ai]ent l’identité horlogère de la ville [et] féd[érai]ent les manifestations phares de la branche [...] » (site des JMH).

Au terme de la première partie de cet article, il est remarquable de constater que les différentes formes d’appropriation du « patrimoine horloger » dans l’Arc jurassien suisse et le canton de Neuchâtel sont inextricablement liées à des objectifs de développement territorial. Rien d’étonnant alors que les pratiques auxquelles ces appropriations ont donné lieu fassent davantage du « patrimoine horloger » un opérateur de valorisation touristique qu’un vecteur de transmission des connaissances horlogères et de pérennisation du métier. D’autre part, ces appropriations ont toutes été façonnées par une sorte de jeu des poupées russes qui témoigne d’une surenchère de distinction entre les régions, les cantons et les communes. Les « patrimoines horlogers » se sont en effet construits dans des contextes de luttes et de concurrences entre ces différentes instances, témoignant ainsi d’importants enjeux locaux. A mesure que l’une de ces instances revendiquait la propriété d’un morceau de « patrimoine horloger », elle se fractionnait en plus petites entités qui se mettaient, à leur tour, à revendiquer une part de « patrimoine » en faisant valoir leur spécificité. Il en va ainsi du projet régional Watch Valley qui capitalisa sur le tourisme horloger pour se « différencier des autres régions suisses », de la « Motion de mise en valeur du patrimoine du Pays de Neuchâtel » qui se « v[oulai]t plus spécifique et ciblée » que le « concept régional et grand public de Watch Valley », du projet de candidature des villes des montagnes neuchâteloises à l’Unesco qui fut imprégné des fractures haut/bas du canton et Arc jurassien/Arc lémanique, et des Journées de la métropole horlogère qui instituèrent La Chaux-de-Fonds comme « berceau de l’horlogerie helvétique ».

Le « patrimoine horloger » participa ainsi de divers rapports de force qui eurent pour caractéristique notoire de "produire" du territoire par différenciation. A cet égard, l’exemple de La Chaux-de-Fonds illustre bien que c’est par le patrimoine que sont « figur[és] le temps et les lieux » (Rautenberg, 2003 : 1). C’est, en effet, à travers lui que l’« ADN exceptionnel » de la Métropole horlogère fut (« enfin ! ») publiquement établi et que la qualité singulière de cette dernière se (re)marqua et fut (re)connue. Le patrimoine fait donc le territoire plus qu’il n’est fait par celui-ci.

Défendre le territoire : les mobilisations du « patrimoine horloger » dans le champ politique

Je désire présenter maintenant deux cas d’étude qui illustrent la manière dont divers acteurs des Montagnes neuchâteloises se sont approprié la catégorie de « patrimoine horloger » pour engager des projets, faire valoir des arguments ou justifier des positionnements au niveau politique. A partir de l’été 2009, moment où les villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle furent admises sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, deux actions locales furent significativement réalisées sous l’étiquette justificatrice du « patrimoine horloger » et de « l’inscription à l’Unesco ». Ces deux exemples traduisent l’important impact que le « patrimoine horloger » a eu dans le paysage politique du Pays de Neuchâtel.

Le « sauvetage » de l’« Ancienne Poste » du Locle

Au Locle, l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco a tout d’abord permis de dénouer une lutte qui occupait les représentants politiques depuis plus d’une dizaine d’années. Comme le montre le travail du sociologue Jérôme Heim (2004), cette lutte était construite autour du projet d’assainissement et de rénovation de l’« Hôtel des Postes », plus communément appelé l’« Ancienne Poste ». Construite en 1854 et située à l’entrée du centre historique du Locle, elle fut le premier bâtiment de l’ère républicaine de la ville, bâti après la révolution neuchâteloise de 1848. D’abord utilisée comme office de poste, elle accueillit, en 1868, la première école horlogère de la ville. Dès 1975, elle fut progressivement transformée en espace communautaire où un important ensemble d’associations culturelles et de collectifs (écoles de musique, ateliers de peinture, écoles de cirque, groupes de musique) se regroupèrent pour pratiquer leurs activités.

En 1998, les autorités responsables de l’aménagement urbain de la ville du Locle déclarèrent que l’« Ancienne poste » devait être assainie parce que, n’ayant pas été rénovée depuis plusieurs décennies, elle constituait un danger pour la santé et la sécurité de ses occupants. L’été de la même année, le Conseil général (législatif) de la ville du Locle vota l’investissement d’un crédit de plus de trois millions de francs pour sa rénovation. Deux semaines après la prise de cette décision, un référendum contestant le vote de ce crédit fut lancé par les membres du Parti libéral de la ville. Ils arguèrent qu’il s’agissait d’un investissement beaucoup trop onéreux pour la conservation d’un bâtiment qui n’était alors utilisé que pour la mise en œuvre d’activités culturelles, sans générer de profits. Selon le principe de démocratie directe qui régit le monde politique suisse, le comité référendaire put contester la décision du législatif et soumettre la responsabilité d’accepter ou de rejeter le crédit d’assainissement de l’« Ancienne poste » à une votation populaire. Lors du vote qui s’ensuivit, les citoyen-ne-s du Locle ne soutinrent pas le projet de rénovation et le bâtiment fut condamné à être détruit, à moins qu’« [...] un compromis entre les différents acteurs politiques perm[ît] dès lors d’empêcher la démolition de l’Ancienne poste » (Heim 2004 : 5). Toutefois, la destruction du bâtiment était elle-même coûteuse et impliquait qu’une nouvelle place fût préalablement trouvée pour les activités de ses usagers. Les lieux de substitution étant difficiles à trouver, les représentants de la droite locloise ne pressèrent pas le processus de démolition. Trois années passèrent. Il fut alors décidé que le Conseil général de la ville mandaterait une commission d’experts afin de passer en revue la situation du bâtiment, d’établir un cahier des charges pour les travaux urgents et de trouver une solution financière. En 2004, Heim constate toutefois qu’aucune solution n’a a été trouvée et que l’« Hôtel des Postes » demeure « en procès », fruit de ce qu’il nomme une « patrimonialisation inachevée » (Heim 2004 : 5). A nouveau, le temps passa. Malgré la sollicitation d’un expert mandaté par la Confédération suisse en 2007, chargé de remettre un dossier sur l’état du bâtiment au Conseil communal (exécutif) du Locle, et malgré le projet de création d’une fondation privée qui deviendrait propriétaire et gestionnaire de l’immeuble, les différents partis politiques loclois ne parvinrent, de 2004 à 2009, à aucun consensus pour assainir l’« Ancienne Poste ». Conséquemment, le bâtiment ne fut pas détruit tout en devenant de moins en moins habitable. Ainsi se maintint cette guerre irrésolue.

Ce statu quo qui n’en était pas un dura jusqu’en juin 2009, peu avant que Le Locle soit admise sur la liste du Patrimoine mondial. Comme le mentionne explicitement le site de la ville du Locle, « deux jours avant l’inscription de la Ville à l’UNESCO et après plus de 12 ans de rebondissements, le Conseil général accept[a] de libérer les fonds nécessaires au sauvetage du bâtiment [...] » (Site internet de la ville du Locle, http://www.lelocle.ch/Urbanisme.asp). Avant d’expliquer comment cet étonnant revirement de situation fut possible, il convient de dire que l’« Ancienne Poste » n’en fut pas pour autant assainie immédiatement. La majorité du Conseil général de la ville du Locle étant de gauche, le crédit d’assainissement fut accepté mais la droite locloise demeura néanmoins fort mécontente. Il fallut donc attendre que l’admission des deux villes à l’Unesco soit rendue publique pour que le crédit soit définitivement accepté. C’est seulement à ce moment-là que les représentants de la droite locloise considérèrent, pour reprendre les mots de l’un d’eux, que « [...] les conditions justifiant le dépôt d’un référendum, voire d’une initiative, [avaie]nt fondamentalement changé [...] » (blog de Claude Dubois, http://claude.dubois.over-blog.org/article-33350331.html), et qu’ils invoqu[èrent] cette inscription pour ne pas lancer un référendum contre le crédit d’assainissement de l’ "Ancienne Poste" » (Stuecki, 2009b). A cet égard, le député Dubois précise, sur son blog, que « de par [l’]admission à l’UNESCO, [...] le sort de l’"Ancienne Poste" ne dépend plus seulement de la volonté de la population locloise, car le bâtiment se situe à l’intérieur du périmètre protégé [et] qu’une dégradation additionnelle pourrait à moyen terme remettre en cause le maintien de l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO [et qu’]il en irait, bien sûr, de même d’une démolition » (blog de Claude Dubois, http://claude.dubois.over-blog.org/article-33350331.html).

Venons-en maintenant à l’examen de cet improbable dénouement. Ce dernier fut-il possible au seul nom explicite de l’admission du Locle à l’Unesco ? Le « patrimoine horloger » et la reconnaissance officielle de la labellisation Unesco suffirent-ils pour sauver l’ « Ancienne Poste » ? Pour comprendre cet événement, il faut savoir que la candidature partagée de La Chaux-de-Fonds et du Locle à l’Unesco requit la construction d’un même projet cohérent. Celui-ci impliqua le tissage d’une solidarité mutuelle entre les deux villes, manifestée, entre autres choses, dans le savoir commun qu’elles produisirent sur les liens noués entre leur tissu urbain et leur histoire horlogère, et sur la qualité de la conservation de leur ensemble bâti. Ainsi les deux villes furent-elles, dans une certaine mesure, obligées l’une vis-à-vis de l’autre. Moyennant l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial, la ville de La Chaux-de-Fonds promit à celle du Locle une aide substantielle de deux cent mille francs suisses à la rénovation de l’« Ancienne Poste » afin, comme le rappela le président de La Chaux-de-Fonds, de « densifier les liens entre communes de destinée semblable » (Stuecki, 2009a). Par l’entremise de la patrimonialisation à l’Unesco, la ville du Locle obtint ainsi les appuis financiers de la ville de La Chaux-de-Fonds mais également ceux du Canton de Neuchâtel et de la Confédération suisse pour la prise en charge des coûts de restauration de l’ « Hôtel des Postes ». L’importante somme recueillie via l’inscription à l’Unesco constitua un argument important en faveur de sa sauvegarde. Au Locle, la labellisation internationale de l’« urbanisme horloger » fit ainsi autorité et agit comme un nouvel « acteur » dans la constitution d’une politique locale d’aménagement urbain, contribuant ainsi à transformer la destinée d’un bâtiment ancien en celle de témoin monumental de l’histoire horlogère du Locle.

La rénovation du Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds

Moins d’une année et demie plus tard, la convocation du « patrimoine horloger » permit également de faire accepter le budget nécessaire à la rénovation du Musée d’histoire de la ville de La Chaux-de-Fonds.

En 2009, la Villa Sandoz qui abritait le Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds depuis 1923 fut déclarée inapte à recevoir des visiteurs parce qu’elle n’avait pas été convenablement entretenue pendant plusieurs décennies. Constatant qu’une intervention urgente était nécessaire, le Conseil général de la ville accorda, le 29 mars 2010, un montant de trois millions et demi de francs suisses à la rénovation du bâtiment. Quelques jours plus tard, au nom de la démocratie directe une fois encore, un comité composé de membres de l’Union Démocratique du Centre (UDC) [15], fit valoir un référendum pour annuler la décision du Conseil général. En arguant qu’une telle rénovation était beaucoup trop chère pour la ville qui se trouvait déjà en situation économique difficile, le comité référendaire imposa de soumettre l’approbation du budget de rénovation du Musée à une votation populaire.

Dès lors, en prévision de la dite votation, différents « mouvements citoyens » se constituèrent et entreprirent certaines actions pour réagir contre l’argument du référendum et soutenir le vote du crédit. C’est le cas du Front de libération des Eplatures qui édita un blog (http://eplatures.over-blog.com) et conçut diverses séries d’affiches revendiquant « une histoire sans trou de mémoire ».

Un Comité de soutien à la rénovation du Musée d’histoire fut également créé et défendit, sur son site internet dénommé « Pour un musée digne », les arguments selon lesquels « le Musée d’histoire de la Ville de La Chaux-de-Fonds mérit[ait] une complète rénovation » et que « ce n’[étai]t qu’à ce prix qu’il remplira[it] pleinement le rôle que l’on attend[ait] de lui, à savoir témoigner de la riche histoire de cette ville » (Site du Comité de soutien, http://www.pourunmuseedigne.ch/index.php?post/2010/04/02/L-essentiel-en-bref). Dans le dispositif argumentatif du Comité, le « patrimoine horloger » tint un rôle important, puisque c’était de lui que le Musée devait se montrer « digne ». A cet égard, un des responsables de l’action civile du Comité, accessoirement conseiller communal de la ville, expliqua, lors d’un reportage télévisé [16], que la reconnaissance du patrimoine local opérée par la récente inscription de la ville à l’Unesco exigeait un espace où mettre la singulière histoire de la ville en lumière. Sur le site du Comité, une multitude de propos tenus par les défenseurs du Musée alla également dans ce sens. Ainsi, nombreux sont ceux qui rappelèrent que « le succès de la ville inscrite sur la liste de l’Unesco justifiait la rénovation du musée » et qu’« au moment où la ville [étai]t inscrite à l’Unesco, elle d[eva]it aussi penser à son patrimoine historique » (Stuecki, 2010). En guise d’illustration du lien que la société civile fit entre la rénovation du Musée et l’inscription à l’Unesco, il n’est besoin que de considérer le titre du débat qui fut organisé le 1er septembre 2010, soit deux semaines avant la votation populaire, au Club 44 de la ville de La Chaux-de-Fonds : « Faut-il rénover le Musée d’histoire ? Quels enjeux pour les habitants d’un site classé UNESCO ? » Par ailleurs, le site du Comité fit également paraître une lettre écrite par le coordinateur touristique des Montagnes neuchâteloises dans laquelle celui-ci soulignait que

« grâce à son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO avec sa voisine Le Locle, La Chaux-de-Fonds a[vait] renforcé au plus haut point son importance quant à sa valeur historique et culturelle. L’intérêt pour en comprendre l’origine, le développement [...] [allait] crescendo et éman[ait] désormais d’une clientèle dont la provenance dépass[ait] largement les frontières nationales. Afin de pouvoir disposer d’une offre répondant aux attentes de plus en plus exigeantes des visiteurs, une adaptation du Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds [était] devenue indispensable, tant au niveau du contenu (muséographie), que du contenant (infrastructures) » (Site du Comité de soutien).

En septembre 2010, la votation populaire eut lieu et une confortable majorité de citoyen-ne-s votèrent pour l’acceptation du crédit de rénovation du Musée, antérieurement alloué par le Conseil général de la ville. L’argument politico-économique du comité référendaire d’extrême droite perdit alors devant l’argument patrimonial et celui de la valorisation de l’histoire de la ville. La qualification récente de cette dernière en site du Patrimoine mondial joua ainsi un rôle stratégique dans la défense et la légitimation du Musée d’histoire.

Au terme de cette seconde partie d’exposé, le « patrimoine horloger » peut être caractérisé comme un "acteur" (Stuecki, 2009b) de la scène socio-politique locale. Il est, en effet, doué d’une « agentivité », exerçant une forme d’autorité qui incite certains acteurs à agir d’une certaine façon et oriente leurs prises de décision. Influent, il agit comme opérateur de légitimité en vertu des nouvelles configurations temporelles et territoriales qu’il instaure et dans lesquelles les mobilisations dont il est l’objet inscrivent les enjeux inhérents aux situations présentes.

Conclusion : vers une anthropologie politique du « patrimoine horloger »

En l’espace d’un peu moins de dix ans, les sphères touristiques, politiques et culturelles du Pays de Neuchâtel se sont progressivement approprié la catégorie de « patrimoine horloger » en la renvoyant à une multitude de référents. La prolifération de sens qu’elle revêt désormais est certes porteuse d’« incertitude » (Debary, 2010), de flottement — au final, qu’est-ce que le « patrimoine horloger » ? — mais elle participe de ce qu’il convient d’appeler une "productivité patrimoniale" qui ouvre de multiples espaces de pratiques et génère une grande variété d’usages. Usages qui, dans le cas de l’horlogerie, ont toutefois pour dénominateur commun de converger vers un même objectif de valorisation territoriale. Comme me le disait récemment un organisateur d’évènements horlogers de La Chaux-de-Fonds, le patrimoine est une « nouvelle ressource » pour mettre en vitrine l’industrie horlogère locale et la région. Il est un instrument de promotion qui œuvre dans le sens d’une « publicité du territoire » (Babey, 1999) ou d’un « marketing territorial » (Aguillaume et Courvoisier, 2010). L’exemple de l’horlogerie neuchâteloise donne ainsi à penser le patrimoine comme l’agent d’une requalification de la temporalité qui vise une transformation des rapports qu’entretiennent les acteurs sociaux avec le territoire.

Par ailleurs, le présent travail montre que les usages du patrimoine horloger sont "encadrés" et "traversés" par diverses interventions d’ordre politique. Même si le patrimoine horloger n’est pas initialement une catégorie produite par le monde politique, ce qui précède atteste de la dimension politique intrinsèque à la dynamique qui l’investit à la fin des années quatre-vingt-dix. A ce moment-là, le patrimoine horloger sort progressivement du domaine muséal sous l’influx d’un effort politique lié à des enjeux cantonaux de développement touristique. Il est alors "traduit" en problématique d’action publique puis il sert d’"outil" à un horizon d’usages propres au champ politique de la région. Le patrimoine horloger n’est pas davantage une catégorie préalablement définie par des scientifiques que se seraient ensuite appropriée des politicien-ne-s mais bel et bien la reformulation hybride (puisque des scientifiques y ont participé) d’un objectif précis : favoriser le développement économique de la région en jouant sur des principes de distinction territoriale.

Ces enjeux politiques relèvent de différents niveaux et constituent, en somme, le hors-champ stratifié du patrimoine horloger. Ils accréditent ainsi l’idée selon laquelle, « en définitive, si la mémoire et le patrimoine n’existent pas sans invention, ils tirent leur efficacité symbolique de l’invisibilité du processus qui les fait naître » (Rautenberg, 2003 : quatrième de couverture).

Il n’en demeure pas moins que le patrimoine horloger constitue un formidable "ouvreur d’actions potentielles". Actions politiques, certes, mais actions compensatrices, avant tout. Les prises en charge politique et touristique du patrimoine comme mode de valorisation de la région neuchâteloise témoignent de l’actualité, pour cette dernière, d’une volonté de prendre sa « revanche » (Buss, 2009b) et de contrer la déconsidération dont elle fait l’objet. Déconsidération découlant directement de la crise des années soixante-dix qui ébranla fortement l’industrie horlogère et affaiblit considérablement le canton neuchâtelois et l’Arc jurassien. De la sortie de crise inespérée de la fin des années quatre-vingt ont progressivement émergé la conscience et la revendication de la "valeur patrimoniale" de l’horlogerie locale (Munz, 2011a). Les processus de patrimonialisation qui s’ensuivirent ont donc été vécus comme une « reconnaissance [capable] de panser la plaie de l’humiliation » (Chuard, 2009a) et de « redorer » la région (Buss, 2009a) en comblant la perte provisoire de son "aura". Cette perte est cependant pérenne et peut, comme Ciarcia (2006) l’a montré, durablement s’éprouver, entretenant ainsi l’"inflation" patrimoniale.

add_to_photos Notes

[1Le présent article ne traite toutefois pas du « patrimoine horloger » que les marques horlogères construisent à l’interne. Raison pour laquelle nous n’évoquerons pas ici toutes les stratégies d’instrumentation du patrimoine qu’elles déploient, depuis le milieu des années quatre-vingt, afin d’« ancestraliser » leur pratique, de légitimer leur nom et de valoriser leur production actuelle (création de musées d’entreprises, réalisation d’expositions, organisation de fonds d’archives, mises en place de visites d’entreprise, démonstrations d’artisans au travail, publication de monographies sur l’« histoire » de leur marque et création de pages internet dédiées à leur « patrimoine »).

[2Bien que l’inauguration du Musée d’Horlogerie du Locle et du Musée International d’Horlogerie de La Chaux-de-Fonds ne datent respectivement que de 1959 et de 1974.

[3Cette association fut créée en 1997 par le Réseau des Villes de l’Arc Jurassien (RVAJ) qui regroupait dix-huit communes de quatre cantons (Berne, Jura, Neuchâtel et Vaud).

[6Nous pensons ici au classement des villes suisses les plus attrayantes que le magazine Bilanz publia en juillet 2006 où Le Locle occupait le dernier rang sur les cent vingt-deux villes examinées. Cette attribution avait suscité de vives réactions au sein de la population locloise, à tel point que le Conseil communal de la ville s’était vu contraint de publier, quelques jours après la publication de Bilanz, un tout ménage dénommé Balance où il ripostait et contestait les critères du classement. La revendication politique et citoyenne s’était également exprimée sous le signe de l’humour et de l’autodérision avec le lancement d’une gamme de T-Shirts dont le fameux « Le Locle va bien. Le Locle est fort. Le Locle vous emmerde », réalisé par un conseiller général de la ville.

[8Formule employée au début du XXe siècle pour désigner la ville de La Chaux-de-Fonds et l’impact considérable que l’essor horloger y imprimait. En février 2008, le terme a été inscrit par la ville de La Chaux-de-Fonds auprès de l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle à Berne. Il constitue désormais une marque déposée dont l’exclusivité d’usage est réservée à La Chaux-de-Fonds.

[11La NPR est un instrument de soutien au développement des régions promu par la Confédération suisse dès 2008.

[15Parti politique situé à l’extrême droite du paysage politique suisse.

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Sites internet consultés
Association régionale Jura-Bienne. Site de l’Association régionale Jura-Bienne [en ligne], http://www.arjb.ch/f/mandats/?sub=8&cid=143, (page consultée le 19 septembre 2011).

Canton de Neuchâtel, Site du Canton de Neuchâtel [en ligne], http://www.ne.ch/neat/documents/info_archives/TousCP_5983/jui08_dec08_8159/enbref618.pdf, (page consultée le 19 septembre 2011).

Claude Dubois, député libéral-radical au Conseil général de la ville du Locle. Blog de Claude Dubois [en ligne], http://claude.dubois.over-blog.org/(page consultée le 19 septembre 2011).

Comité de soutien à la rénovation du Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds. Site du Comité de soutien à la rénovation du Musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds [en ligne], http://www.pourunmuseedigne.ch/ (page consultée le 19 septembre 2011).

Confédération suisse. Site de la Confédération suisse [en ligne], http://www.news.admin.ch/, (page consultée le 19 septembre 2011).

Front de libération des Éplatures (La Chaux-de-Fonds). Site du Front de libération des Éplatures [en ligne], http://eplatures.over-blog.com/ (page consultée le 29 septembre 2011).

Journées de la Métropole horlogère (JMH). Site des JMH [en ligne], http://www.metropolehorlogere.ch/ (page consultée le 19 septembre 2011).

Télévision suisse romande (TSR). Site de la TSR [en ligne], http://www.tsr.ch/ (page consultée le 29 septembre 2011).

Urbanisme horloger des villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle. Site de l’Urbanisme horloger [en ligne], http://www.urbanisme-horloger.ch/ (page consultée le 19 septembre 2011).

Ville du Locle. Site de la ville du Locle [en ligne], http://www.lelocle.ch/(page consultée le 19 septembre 2011).

Pour citer cet article :

Hervé Munz, 2012. « La fabrication et les usages politiques du « patrimoine horloger » dans le Pays de Neuchâtel ». ethnographiques.org, Numéro 24 - juillet 2012
Ethnographies des pratiques patrimoniales : temporalités, territoires, communautés [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2012/Munz - consulté le 19.04.2024)
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