BOAS Franz, 1912. « The Story of Asdi-wā'l, or The Meeting on the Ice », Tsimshian Texts (New Series), based on Texts written down by Henry Tate, p. 71-145 [Publications of the American Ethnological Society, III]. Leyden, E.J. Brill


L’histoire d’Asdi-wā'l, ou la rencontre sur la glace



Et bien, lorsqu’une sévère famine frappa les gens du [fleuve] Skeena, une cheftaine d’alors figurait aussi parmi les affamés, de même qu’une jeune femme qui avait épousé un homme d’un village en amont du fleuve. Cependant, sa mère se trouvait dans son propre village de Canyon. Ce village est situé loin en aval du fleuve, et c’était quand la grande famine touchait les villages.
Puis l’époux de la cheftaine mourut, et l’époux de la jeune femme mourut également de faim car la famine qui frappait les villages était vraiment sévère. Par conséquent, nombreux sont ceux qui trépassèrent.
Alors qu’elle ressentait la faim, la cheftaine se parla un jour à elle-même et [se] dit: « Je me souviens lorsque j’avais l’habitude de rencontrer ma fille ». La jeune femme se dit pareillement : « Je repense aux rencontres avec ma mère lorsque je descendais le fleuve ; et quand je me rapproche d’elle, alors j’aurai de quoi manger, j’aurai assez à manger ».
(Et bien, la famine frappait chaque année en hiver, lorsqu’il faisait très froid. C’est cela qui élimina tout le monde: aussi, ils moururent
Alors un beau jour, la cheftaine se leva pour partir sur le fleuve gelé à la rencontre de la jeune femme. Le même jour, la jeune fille se leva aussi pour partir à la rencontre de sa mère. Elle se rendit donc aussi sur la glace.
Puis les deux femmes se rencontrèrent sur la glace entre les deux villages. La mère et sa fille avaient toutes deux très faim. Il n’y avait rien à manger. Toutes deux étaient abandonnées à la mort, elle et sa mère. Elles s’assirent, gémirent et pleurèrent à cause de leurs maris morts de faim.
Lorsqu’elles eurent pleurés pendant un moment, elles s’arrêtèrent de gémir. Elles rejoignirent la rive pour établir un camp au pied d’un grand arbre. Puis la jeune femme s’en alla dans les environs. Elle trouva ensuite une cenelle [baie] d’aubépine pourrie, donna la moitié à sa mère et mangea elle-même l’autre moitié.
Elle fit ensuite une petite maison en branches, et les deux femmes commencèrent à faire du feu avec un foret à l’intérieur de la petite maison en branches, [] où elles s’allongent. Avant qu’elles ne s’allongent, elles firent un grand feu afin de s’étendre au chaud. Ensuite elles dormirent bien. D’un côté du feu, la vieille femme était couchée, pour sa part, le dos contre les flammes ; et la petite femme noble était, pour sa part, allongée de l’autre côté [du feu] ; elles avaient le dos tourné vers le feu.
A minuit, un homme entra (et s’approcha) de la petite femme noble. Il s’approcha d’elle et s’allongea, et ils étaient étendus ensemble. La vieille femme ne remarqua rien. Tôt le matin, le jeune homme se leva et s’en alla. Puis les deux femmes s’aperçurent pour leur part que leur feu était sur le point de s’éteindre.
Alors la jeune femme noble se leva à nouveau pour récolter de l’écorce. Au moment de sortir, elle entendit chanter celui que l’on nomme Hats!Enā’s. (Il ressemble à un merle sans en être un. Celui qui entend parler Hats!Enā’s sera chanceux là où il le souhaite, raison pour laquelle son nom est Hats!Enā’s [« Bonne Fortune »].
Après quoi la jeune femme noble sortit récolter l’écorce. Elle alla ensuite à l’endroit où se dressait un gros épicéa pourri. Elle saisit un très long bâton pour détacher l’écorce. Quand elle commença à détacher l’écorce, l’écorce tomba du grand épicéa. Puis, lorsqu’elle se mit à ramasser [parmi ce qu’elle allait récolter], voyez ! elle trouva un petit écureuil dans l’écorce. Elle s’en retourna alors de bon cœur vers la petite maison en branches. Elle fit ensuite un grand feu, grilla le petit écureuil et elles le mangèrent ; cela leur suffit pour un jour.
Lorsque ce fut à nouveau le matin, elle regagna l’endroit où elle avait trouvé l’écorce. Elle saisit à nouveau un très long bâton pour détacher de l’écorce. Puis l’écorce tomba à nouveau. Puis elle la ramassa à nouveau. Voyez ! elle trouva [encore] un gros tétras dans l’écorce qu’elle était en train de récolter. Elle rentra joyeuse. Puis elle le grilla également ; cela leur suffit pour un jour.
C’était à nouveau le matin, et la petite jeune femme noble s’en alla une nouvelle fois ; elle s’en alla à nouveau fois au pied du gros épicéa où elle s’était déjà rendue pour récolter de l’écorce. A nouveau, elle se saisit d’un très grand bâton pour détacher l’écorce. L’écorce tomba à nouveau, et elle en ramassa à nouveau. Puis elle trouva un gros porc-épic, le ramena en bas et le donna à sa mère. Puis la mère prit le gros porc-épic. Elle le grilla, et cela leur suffit pour deux jours.
C’était à nouveau le matin, et elle s’en alla encore une fois récolter de l’écorce. Elle trouva un grand castor parmi l’écorce. Elle le ramena en bas et le donna à sa mère. Sa mère fit sécher la viande du castor.
C’était à nouveau le matin, et elle s’en alla encore récolter de l’écorce. Elle trouva une grosse chèvre de montagne dans l’écorce. Elle appela sa mère pour l’aider, et elles ramenèrent en bas la grosse chèvre. Elles agrandirent la hutte qu’elles avaient faite en branches afin de sécher la viande de la chèvre de montagne.
C’était à nouveau le matin, et elle partit encore récolter de l’écorce. Alors elle détacha encore de l’écorce. L’écorce du gros épicéa tomba à nouveau. Véritablement, elle vit un gros ours noir tomber avec. Une fois encore elle appela sa mère pour l’aider. Puis elles ramenèrent le grand ours noir en bas vers leur maison. Puis elles agrandirent encore une fois leur maison pour sécher la viande.
C’était à nouveau le matin et elle s’en alla encore une fois à l’endroit où elle s’était déjà rendue pour récolter de l’écorce. Elle trouva un gros ours grizzli. Une fois encore, elle appela sa mère pour venir l’aider car elle ne pouvait pas déplacer le gros ours grizzli. Il était très gras. Elles le dépecèrent donc. Puis elles ne redescendirent que la viande. Leur maison fut alors pleine à craquer de viande séchée.
Chaque matin, avant d’aller ramasser de l’écorce, elle entendait à nouveau Hats!Enā’s parler au sommet du gros épicéa pourri. Un matin elle s’en alla une nouvelle fois pour récolter de l’écorce, et trouva un gros caribou. Avant qu’elle ne soit sur le point d’appeler sa mère, elle entendit un homme arrivant derrière elle : aussi elle se retourna soudainement. Voyez ! un beau jeune homme se tenait tout proche, derrière elle. Elle fut tout soudain très effrayée.
Le beau jeune homme lui demanda alors : « Que fais-tu ici ? ». Puis la jeune femme lui dit : « Ô être surnaturel ! Je récolte de l’écorce ici. C’est là que je trouve des animaux chaque matin. Ensuite je ramasse de l’écorce ». Alors le jeune homme poursuivit et demanda à la jeune femme : « Ne sais-tu pas d’où viennent tous les animaux que tu as trouvé ? ». Ce à quoi la femme répondit : « Non ». Le jeune homme dit alors à la femme, « Je suis celui qui t’a donné les animaux que tu trouves toujours parmi l’écorce que tu ramasses, et je suis aussi celui qui est entré (dans ta maison) lorsque tu commençais à dormir dans ton campement ». Cela se passait lorsque la jeune femme noble était heureuse [creuse dans son cœur].
Puis elle était enceinte. Il dit : « Va dire à ta mère que je désire t’épouser ». Le jeune homme promit toute chose bonne à la femme. Lorsqu’il termina de parler, il disparut soudainement. Mais sa mère monta là où elle se trouvait, car elle était partie depuis un long moment. Sa mère lui demanda alors : « Pourquoi es-tu restée éloignée si longtemps ? ». La jeune femme raconta à sa mère qu’un jeune homme s’était montré à elle. « Il m’a dit », raconta-t-elle à sa mère, « que c’était lui qui avait donné tous les animaux que j’ai trouvé chaque matin lorsque je récoltais [faisais] de l’écorce. Il m’a également demandé de dire qu’il désire m’épouser si tu étais d’accord ; et il a finalement promis que nous serons riche, et qu’il nous aidera en toute chose. Lorsqu’il termina de parler, il disparut soudainement ».
Alors la mère accepta ; et lorsque sa mère commençait à accepter, elles entendirent tout à coup la voix de Hats!Enā’s au sommet du gros arbre pourri, – celui-là même au pied duquel elle s’était rendue auparavant pour ramasser de l’écorce. Deux gros ours grizzli tombèrent alors, et deux ours noirs, et aussi deux grosses chèvres de montagne tombèrent du sommet du gros épicéa pourri. Soudain, le jeune homme se trouvait là à nouveau. La mère de la princesse était très heureuse [bonne au cœur], et le jeune homme raccompagna les femmes en bas. Puis il épousa la princesse, et le jeune homme ramena les animaux.
Ils construisirent ensuite deux grandes maisons pour sécher la viande. Un garçon naquit après un certain temps. Ensuite l’enfant grandit. Son père était très content : il appela donc un jour son enfant à lui, agrippa son front et le tira. Puis le jeune homme fut de bonne taille. Le père de l’enfant était cet Hats!Enā’s, – celui-là même qui était venu vers les femmes dans leur campement. C’était un beau jeune homme, cet Hats!Enā’s.

Alors, tous les gens du Skeena entendirent ce que faisaient les deux femmes qui avaient trouvé Hats!Enā’s. Leur maison était pleine de toutes sortes de viande séchée. Tous les gens vivant en amont du Skeena se réunirent donc pour acheter de la viande séchée aux femmes : et après quelque temps, elles furent très riches du commerce de viande séchée avec tous les villages environnants. Il y avait une famine : c’est pour cela qu’ils achetaient de la viande.

Avant que les gens affamés vinrent à commercer, Hats!Enā’s donna à son fils – après qu’il eut terminé de l’étirer, et que celui-ci fut devenu un jeune homme – il lui donna son arc et quatre flèches ainsi que sa lance, un chapeau, une canne, un panier et un manteau de pluie en écorce. Voilà ce qu’il donna à son fils. Puis il lui donna un conseil : « Toutes les fois que tu seras en difficulté ou en danger, je viendrai t’aider, et tu seras plus fort que tes ennemis ». Il s’arrêta de parler ici. Il s’adressait à son fils. Il disparut soudainement, et ils ne le virent plus.

Voyez ! cela a cependant augmenté (le nombre de ceux) venus commercer toutes sortes de choses. Puis la vieille mourut. La princesse organisa donc un grand potlatch et rassembla tous les différents villages. Elle appela alors son fils par son nom. Asdi-wā'l était le nom que son père lui avait donné. Il était un grand chasseur, et il chassait les animaux des bois. Il savait comment chasser tous les animaux des bois et toutes sortes d’oiseaux. Sa mère, pour sa part, retourna dans sa famille à Canyon [le village de la mère défunte], et son fils l’accompagna. Tous savaient que le prince était un grand chasseur ; sa renommée était mondiale et les animaux le connaissaient également.

 

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Un jour d’hiver, lorsque la glace s’était à nouveau formée, un ours blanc courut hors des bois devant le village, puis descendit le fleuve sur la glace. Les chasseurs se mirent à le poursuivre le long du cours supérieur du fleuve ; mais ils le manquèrent lorsqu’ils lui tirèrent dessus, et leurs lances se brisèrent, et l’ours blanc continua sa route en aval du fleuve.
C’était alors que l’ours blanc arrivait dans un autre village que les chasseurs sortirent à nouveau pour essayer de l’abattre. A nouveau il sortit des bois en courant vers un campement. A nouveau les chasseurs partirent pour le tuer, mais ils n’y parvinrent pas ; ils étaient incapables de l’atteindre et l’ours blanc poursuivit sa route sur la glace en aval du fleuve Skeena. Alors, tous les chasseurs des villages se mirent vraiment à sa poursuite.
Puis l’ours blanc atteignit aussi le village dans lequel vivait Asdi-wā'l. Alors il se prépara et revêtit son apparat de chasseur. Il prit son carquois et sa lance, son arc et ses flèches, sa coiffe, sa natte, et son petit panier. Il enfila ses raquettes à neige, puis, de son côté, se mit à courir à sa poursuite comme un oiseau volerait. Cependant, le grand ours blanc, de son côté, courait aussi très vite, et il courait en aval du fleuve ; mais lui [Asdi-wā'l], pour sa part, le poursuivait de près.
Lorsque le grand ours blanc devint fatigué, il grimpa sur la montagne. Asdi-wā'l le poursuivait de près, en grimpant. Alors le grand ours blanc arriva soudainement sur la crête [la surface s’étendant le long] de la grande montagne ; mais lui, de son côté, le poursuivait de près. Tous deux arrivèrent soudain sur la crête.
Alors le grand ours blanc fut très fatigué, et véritablement l’ours blanc frappa [de la patte] le sommet de la grande montagne. La grande [montagne] se fendit alors soudainement, et tout à coup il y eut une gorge. Le grand ours blanc se retrouva soudain de l’autre côté pendant un moment, et se reposa. Asdi-wā'l, cependant, ne pouvait pas traverser. Il prit sa lance et la plaça bout à bout avec son carquois, et les déposa par-dessus la grande gorge. Puis il traversa.
Lorsqu’il parvint de l’autre côté de la gorge, il reprit son carquois et sa lance, et il se remit à courir très vite, comme un oiseau volant dans les airs. Il le rattrapa presque.
Lorsqu’il fut vraiment sur le point de le rattraper, l’ours blanc frappa à nouveau le sommet de la montagne, et les rochers se fendirent une nouvelle fois, et il y avait tout à coup une gorge. Alors Asdi-wā'l reprit son arc et ses flèches et les plaça bout à bout. Puis il les disposa à nouveau par-dessus la grande gorge. Une fois encore, il put traverser. Lorsqu’il parvint de l’autre côté, il reprit ses flèches et son arc et se remit à courir.
Lorsqu’il aperçut l’ours blanc courir devant lui, il atteignit soudain une grande plaine tout au bout du sommet de la montagne. Après un bon moment, voyez ! Asdi-wā'l aperçoit tout à coup une grande échelle dressée sur notre monde. Elle était dressée au sommet de la montagne en direction du ciel. Voyez ! l’ours blanc montait, et il [Asdi-wā'l] le poursuivait sur l’échelle ! L’homme montait aussi. L’ours blanc atteignit le bout de la grande échelle, et Asdi-wā'l parvint aussi soudainement au bout. C’était lorsque le jeune homme atteignit aussi le bout de la grande échelle. Ensuite il trouva une grande pairie. Elle était plutôt verte d’herbe, et il y avait toutes sortes de fleurs. Tout ce qui sentait bon se trouvait sur la grande prairie. C’est parmi [tout] cela que l’étroit sentier passait. C’était celui-là que le grand ours blanc suivait.
Alors Asdi-wā'l suivit aussi ce sentier. Il garda la même distance ; et voyez ! le sentier menait devant une grande maison, qui se dressait en travers du chemin au milieu de la grande prairie. Soudain, l’ours blanc pénétra à l’intérieur, et soudain Asdi-wā'l l’atteignit aussi. Il était debout face à la porte et regarda à l’intérieur par un petit trou. Voyez ! c’était une jeune femme qu’il avait suivie, et qui ôtait sa pelisse [peau] d’ours blanc et s’en débarrassait pour de bon.
Ensuite le grand chef questionna la jeune femme et dit : « N’as-tu pas eu ce qu tu es venu chercher, enfant ? » – « Il se tient dehors, derrière la maison », dit la jeune femme. « Je suis presque morte de fatigue ». Puis le chef lui dit : « Accompagne-le à l’intérieur ». 
Puis ils sortirent et ramenèrent Asdi-wā'l à l’intérieur. Le grand esclave du chef, cependant, prit sa pelisse en peau d’ours blanc et remua les cendres. Puis il l’éloigna du feu vers l’arrière de la maison.
Ce chef était le Soleil. Celui-ci dit à la jeune femme pendant que le jeune homme était assis de l’autre côté du feu : « Mon enfant, tu peux te rapprocher du feu et t’asseoir la où le prince est assis. Il t’épousera ». Alors la princesse alla vers le feu et s’assit avec le jeune homme.

 

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Ensuite la femme aima beaucoup son époux. Lorsqu’ils furent allongés, la femme dit ainsi à son époux : « Prépare-toi à tout ce que mon père fera pour essayer de te tuer, car ils furent nombreux [ceux] qui étaient sur le point de m’épouser et que mon père tua avec ses pouvoirs surnaturels. Donc prépare-toi. Ne vois-tu pas cette grande montagne qui se dresse derrière la maison ? De nombreux os de gens se trouvent à son pied, [ceux] de mes époux que mon père envoya dessus, leur ordonnant de chercher des chèvres de montagne sur cette grande montagne ; lorsque les gens atteignent le sommet de la montagne, un épais brouillard apparaît, et la montagne se met également à trembler. Cela [ces manifestations naturelles] est à mettre sur le compte des ses pouvoirs surnaturels. Puis les hommes tombent et périssent ». C’est cela que dit la princesse à Asdi-wā'l.
Alors Asdi-wā'l ri. « N’aie pas peur, [mais] j’ai aussi un grand pouvoir surnaturel ». Ainsi parla-t-il à son épouse. « Fais attention à toi ! » dit une nouvelle fois son épouse. « C’est ce que fait toujours mon père toutes les fois que je me marie ». Encore une fois, Asdi-wā'l ne put qu’en rire. Le matin suivant le chef parla et dit à son beau-fils : « Mon cher, disons que je souhaite que mon beau-fils monte chercher des chèvres de montagne là-haut dans les bois, parce que je désire de la viande de chèvre de montagne et du suif de chèvre de montagne ». La princesse dit alors à son mari : « Ne va pas là-bas. Tu ferais une erreur en y allant ». Asdi-wā'l ne put que rire.

Asdi-wā'l se leva et prit son carquois et son arc, ses flèches, et sa cane, et sa lance, sa natte, son panier, (et) sa coiffe. Puis il enfila ses raquettes à neige, et partit sur la montagne. Vraiment, Asdi-wā'l courait comme un oiseau volant. Lorsqu’il atteignit le sommet de la grande montagne, il dressa sa cane et passa son manteau de pluie par-dessus. Il posa [aussi] sa coiffe dessus ; mais lui, il passa le sommet de la montagne.
Un épais brouillard s’abattit ensuite sur un côté de la grande montagne. Cependant, lorsqu’il atteignit l’arrière [l’autre versant], la grande montagne commença à bouger en tremblant beaucoup.
Lorsque l’épais brouillard se dissipa, la foule céleste apparut pour observer ce que faisait celui qui était monté. Toute la foule céleste apparut. C’étaient les étoiles. Alors toutes les étoiles étaient dehors, et elles virent où Asdi-wā'l se tenait sur le côté de la montagne. Il portait son manteau de pluie et était revêtu de sa coiffe. Elles pensèrent alors qu’Asdi-wā'l ne pouvait pas bouger : toutes les étoiles se sont exclamées en disant : « Asdi-wā'l ne peut pas bouger, hâu ! ». Ainsi s’exclamèrent-elles toutes.
Puis une seule étoile dit : « Non », dit-elle, « seule sa canne se dresse là. Elle est revêtue de son manteau de pluie et de sa coiffe, mais lui, il a passé le sommet de la montagne ». Mais aucune étoile ne la crut. (C’était l’étoile que nous appelons « Le Milan », car nous donnons des noms à toutes sortes d’étoiles. Elle ne scintille pas aussi souvent que plusieurs autres étoiles). Puis l’étoile Milan dit : « Asdi-wā'l est passé ». Ainsi parla-t-elle lorsque les autres commençaient à dire : « Il ne peut pas bouger ». Nous nous arrêterons ici.

 

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Lorsque Asdi-wā'l passa l’arête, voyez ! il vit une grande maison qui se dresse là au milieu de la grande plaine au sommet de la montagne. Il entendit un grand bruit de tambours et un grand bruit de chamanes. Il s’approcha alors très lentement de la grande maison. Il regarda à l’intérieur. Voyez ! un chamane-chèvre de montagne était en train de danser [de flotter] en cercle pour voir le futur : toutes les nombreuses chèvres de montagne étaient donc venues dans la grande maison pour écouter le chamane-chèvre révéler le malheureux événement qu’il allait prévoir. Il courut alors autour du feu allumé pour brûler dans la maison, et toutes les nombreuses chèvres de montagne battaient le tempo. Dans un coin, l’une d’elle avait un tambour en bois.

Alors qu’il courait autour, il dit tout à coup : « Hi ! Je ne sais pas pourquoi les gens disparaissent ». Lorsque le chamane-chèvre de montagne sauta une nouvelle fois par-dessus le grand feu, une petite agnelle qui suivait le chamane-chèvre de montagne sauta aussi par-dessus le feu ; mais toutes les chèvres de montagne battaient le tempo avec vigueur. Puis elles entonnèrent leur chant.

Asdi-wā'l se tenait devant l’entrée, et il tenait ses armes prêtes. Lorsque le premier chant se termina, elles en commencèrent un autre. Puis le chamane-chèvre de montagne dit à nouveau : « Hi ! Les gens disparaissent, hau ! ». Lorsqu’il sauta une nouvelle fois par-dessus le feu, l’agnelle en fit de même derrière lui.

« L’odeur d’Asdi-wā'l et l’odeur des chamanes, hé ! »


Lorsque le chant dit : « L’odeur d’Asdi-wā'l ! L’odeur des chamanes ! », le chamane-chèvre de montagne sauta juste au-dessus de sa tête, et la petite agnelle sauta juste au-dessus de la tête d’Asdi-wā'l ; mais alors Asdi-wā'l matraqua toutes les chèvres de montagne. Aucune ne fut épargnée.
Il les dépeça et récupéra la graisse du ventre [ts!ā’0gEga0] et des reins [ts!ā’0gga0]. Il tua [fit] plusieurs centaines de chèvres de montagne. Après les avoir dépecées, il récupéra tout le gras du ventre et des reins et enroula le gras du ventre autour de sa lance. Lorsque celle-ci fut bien garnie, il serra encore et enroula encore plus de graisse du ventre autour d’elle. Il fit cela plusieurs fois. Voyez ! il arriva au bout de toute la graisse du ventre. Une seule lance en était pleine.
Il prit ensuite son petit panier et mit dedans la graisse des reins. Lorsqu’elle fut pleine, il la tassa. Puis il y en eut plus, et il la tassa simplement. Ensuite, il termina encore tout le gras des reins des chèvres de montagne. Puis il prit sa lance, autour de laquelle il avait enroulé la graisse du ventre, et aussi son panier, et plaça son carquois sur les chèvres de montagne qui étaient étendues mortes dans les bois. Il les poussa en bas, et il y eut un grand glissement de chèvres de montagne sur tout un côté de la grande montagne. Asdi-wā'l courut en bas de la même manière qu’auparavant, comme un oiseau volant. Il utilisa ses raquettes à neiges. Il vola véritablement là où la viande des chèvres de montagne avait glissé.
Alors que les étoiles étaient abasourdies, l’étoile Milan était contente parce qu’il était de retour. (Asdi-wā'l) alla vers son épouse. Il déposa sa lance et le panier derrière sa maison. Son épouse était très heureuse lorsqu’elle le vit à nouveau.

Alors le jeune homme dit à son épouse : « Ma lance et mon petit panier sont posés dehors. Ils sont pleins de graisse ». Le chef envoya ses compagnons pour les ramener à l’intérieur. Quatre hommes ne pouvaient même pas bouger la lance et le petit panier, et ne pouvaient même pas les traîner. Ils ne pouvaient même pas bouger la lance et le petit panier, et ils ne pouvaient même pas les tirer.
Alors Asdi-wā'l en personne sortit et prit la lance et le petit panier. Il les apporta à l’intérieur, un de chaque côté. Son beau-père dit alors à ses compagnons : « étendez les nattes dans la maison ! ». Ils firent cela. Asdi-wā'l secoua la graisse du ventre [hors] de la lance, et la lança sur les nattes qui avaient été étendues. Un côté de la maison fut alors plein de la graisse du ventre qui avait été enroulée autour de la lance. Il prit ensuite également le petit panier et sortit la graisse des reins et la jeta sur les nattes de l’autre côté de la maison. L’autre côté de la maison fut alors également rempli de graisse des reins lorsqu’il eut vidé le petit panier. La maison de son beau-père était désormais entièrement pleine de suif, et il le donna à son beau-père. Tout lui revenait.

 

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Ensuite elle aima beaucoup son mari. Son amour augmentait maintenant. Un matin son beau-père dit encore une fois : « Dites à mon beau-fils que je lui ordonne de puiser de l’eau dans la montagne. Je veux la boire ». Voilà ce que le beau-père Soleil dit à son beau-fils.
L’épouse d’Asdi-wā'l dit alors à son mari : « Ne va pas là-bas ! Tu pourrais mourir. Nombreux sont ceux qui ont puisé de l’eau. Ils essayèrent. Mais ils n’y parvinrent pas, car la montagne vivante se referma et les réduisit entièrement en pièces en quelques instants ». Ainsi parla la femme à son époux. (La montagne) se refermait toujours parce qu’elle était vivante ; voilà pourquoi cela se produisait. Cela se passait là où se trouvait la source dans la montagne, loin vers l’intérieur. Asdi-wā'l dit : «  N’aie pas peur ! », ainsi dit-il à son épouse, « car j’ai moi-même également un pouvoir surnaturel ». Ainsi s’adressa Asdi-wā'l à son épouse.
Puis Asdi-wā'l se leva une nouvelle fois, et demanda au grand esclave de son beau-père de lui indiquer la direction de la source. C’est là où ils se rendirent. Le grand esclave parla au moment de partir vers la source. « Ne puises-tu pas parfois de l’eau dans la montagne ? ». Puis le grand esclave dit : « Non, mais je sais où se trouve la source ». Ils poursuivirent leur chemin.
Soudain, ils arrivèrent à la grande grotte où se trouvait la source. Il montra à Asdi-wā'l où l’eau coulait. Le grand esclave indiqua l’endroit où se trouvait la source dans la grotte. Puis la grande grotte se referma une nouvelle fois, et Asdi-wā'l compta combien de fois la roche se refermait, quant elle se rouvrait lentement, et quand elle recommençait à faire cela.
Alors qu’Asdi-wā'l comptait, (il réalisa qu’) elle s’était fermée quatre fois. Asdi-wā'l dit alors à son compagnon : « Vas-y ! Tu entres en premier, et j’entrerai ensuite ». Lorsque soudain les rochers se refermèrent à nouveau, véritablement, il poussa soudainement le grand serviteur au moment où la roche se fermait ; il en fut écrasé. Asdi-wā'l comptait encore. Il se tenait prêt à puiser de l’eau dans son petit panier. A la quatrième fois, Asdi-wā'l vola véritablement à l’intérieur. Il puisa l’eau à la source de la montagne.
Puis il rentra et regagna sa maison, et dit à son beau-père que son compagnon avait été écrasé, que la roche s’était refermée sur lui. Asdi-wā'l donna le panier (avec l’eau) qu’il avait puisée pour son beau-père. Il était rempli d’eau de montagne que son beau-père lui avait ordonné de puiser. Il fut eut ensuite honte parce que son pouvoir surnaturel avait été malchanceux et que Asdi-wā'l l’avait emporté deux fois sur ses pouvoirs surnaturels. Asdi-wā'l alla ensuite vers son épouse, et son épouse se réjouit beaucoup de le voir revenir vers elle une nouvelle fois. 
Son beau-père avait cependant le cœur lourd au vu de ce qui s’était passé, [au vu] de la mort de son grand esclave. C’est pour cela que le chef entreprit ce qui suit. Il prit son filet et ouvrit l’extrémité du four. Voilà ce qu’il ouvrit, et voilà où il plongea son grand filet. Il repêcha ensuite les os du grand esclave qui était mort dans la montagne. Lorsque tous les os furent repêchés, il les déposa avec précaution sur une grande planche. Le chef appela ensuite l’épouse d’Asdi-wā'l près du feu, et la jeune femme enjamba les os du grand esclave de son père. Le grand esclave se redressa tout d’un coup, et était de nouveau en vie. Elle retourna ensuite près de son époux.

 

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Un matin le chef dit à nouveau : « Dites à mon beau-fils que je lui ordonne d’aller chercher du bois de chauffe ». L’épouse d’Asdi-wā'l lui dit à nouveau : « N’y vas pas, car beaucoup de gens ont disparu. Aussitôt que la hache touche (l’arbre), l’écorce chute et tombe sur les gens. Cela les tue. Voilà ce que dit la jeune femme à son époux. Asdi-wā'l ne put que rire une nouvelle fois de ce qu’elle racontait. « N’aie crainte ! Je possède moi-même un pouvoir surnaturel ».
Puis il se leva. Il appela le grand esclave pour que celui-ci l’accompagne. Lorsqu’ils furent sur le point d’atteindre l’endroit où se dressait le grand arbre, Asdi-wā'l vit que le pied de l’arbre était plein d’os. Il questionna son compagnon. L’esclave lui dit : « Cela se peut, je ne sais pas ». Ils continuèrent à s’en rapprocher pour de vrai ; et lorsqu’ils l’atteignirent, Asdi-wā'l regarda au sommet du grand arbre. Voyez ! le grand [arbre] penchait d’un côté. Il dit alors à son compagnon : « Tu restes là, mais moi [je reste] là-bas ». Lorsqu’il fut prêt, il le frappa ; le grand arbre tomba et (se brisa en morceaux) de bonne longueur. Il s’était de nouveau abattu sur le grand esclave, et le grand était mort.
Asdi-wā'l rentra et raconta que l’arbre s’était abattu sur le grand esclave. Ainsi parla-t-il en entrant. Alors le grand chef se rendit là où l’arbre – ses pouvoirs surnaturels – se dressait. Voyez ! le grand était entièrement cassé en morceaux de bonne longueur, et son grand esclave gisait mort parmi le bois de chauffe cassé. Il récupéra alors les os du grand serviteur parmi le bois de chauffe. Puis il les trouva et les assembla bien comme ils étaient précédemment. Le chef demanda alors à la jeune femme de sortir. La princesse enjamba quatre fois (les os), et (l’esclave) revint à la vie. Le chef redressa le grand arbre pourri et rentra.

 

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Lorsque, cependant, Asdi-wā'l était allongé avec son épouse, elle lui dit : « Il ne reste qu’une seule (chose) que mon père va tenter avec toi. Il s’agit de son dernier pouvoir surnaturel. Il va te cuire dans son feu, et va te mettre dans le feu sur des pierres lorsque celles-ci sont brûlantes, et te placer sur elles ». Asdi-wā'l ne dit rien, et pleura durant toute la nuit.
Très tôt le matin, le chef ordonna à ses compagnons de faire un feu. Il les fit chauffer des pierres. Ses compagnons firent cela. Lorsqu’ils eurent terminé d’allumer le grand feu, ils partirent chercher des pierres et les posèrent sur le feu. Après un petit moment les pierres étaient incandescentes.
Le chef dit alors à la jeune femme : « Ma chère, ordonne à ton époux de venir près du feu, les pierres sont brûlantes. J’ai chauffé les pierres pour qu’ils puissent se coucher [dessus]. C’est pour cela que j’ai chauffé les pierres, pour que je puisse le cuire ».
La princesse parla alors vivement à son époux. « Ne fais pas cela ». Ainsi parla-t-elle à son époux. « Je ne veux pas que tu meures, car je t’aime vraiment ». Puis le chef parla à nouveau. « Ordonne à mon beau-fils d’aller sur le feu pendant que les pierres sont chaudes ». Mais l’épouse d’Asdi-wā'l ne le permit pas. Elle le tenait fortement par la taille et ne permettait pas à son père de cuire son époux. Elle le retenait donc.
Alors le chef parla encore et appela son beau-fils vers le feu. Asdi-wā'l se leva et s’éloigna de son épouse. Il sortit d’abord de la maison pour un temps. Pendant qu’il marchait derrière la maison de son beau-père, il alla dans les bois. Voyez ! le père d’Asdi-wā'l, Hats!Enā’s, vint à lui.
Père Hats!Enā’s lui demanda alors : « Pourquoi pleures-tu, enfant ? ». Ainsi lui parla Père Hats!Enā’s. Asdi-wā'l parla à son père : « Mon beau-père fait tout pour me tuer ». Ainsi dit Asdi-wā'l à son père. « Maintenant, il a de nouveau terminé de chauffer les pierres pour me cuire dans son feu. C’est pour cela que j’ai pleuré toute la nuit jusqu’à maintenant. Cette fois, je ne peux pas être sauvé ». C’est ce qu’il dit à Père Hats!Enā’s.

Son père lui dit alors : « Pourquoi pleures-tu ? N’aie pas peur ! ». Ainsi lui parla son père. Il donna un petit morceau cassé de glace à son fils et l’instruisit : « Lorsque tu rentreras, va directement dans son four. Puis couche-toi dedans et place cette glace sous tes aisselles de chaque côté ». Ainsi dit-il.

Ensuite il prit aussi des os séchés et les lui donna. « Lorsque tu auras froid sur les pierres chaudes, pousse ces os au sommet du four. Ils croiront que tu es cuit lorsqu’ils verront tes os dépasser ». Lorsqu’il eut fini de parler, il s’en alla.

Puis Asdi-wā'l rentra et s’enroula dans sa pelisse. Il se coucha dans le four et le chef dit à ses compagnons : « Couvrez-le ». Ils firent ainsi. Puis il fit brûler le feu par-dessus. Après un certain temps, les compagnons du chef virent dépasser les os.
Le grand chef était content et dit : « Honte ! Tu as un pouvoir surnaturel plus grand que le mien, misérable petit esclave, celui-là ! ». Lorsque l’épouse d’Asdi-wā'l entendit son père parler et se moquer de son époux, elle pleura avec amertume. Le chef dit alors : « Vous pouvez le sortir du feu ». Ses compagnons le sortirent du feu.
Lorsqu’ils eurent retiré les cendres brûlantes, Asdi-wā'l se leva des pierres chaudes et secoua sa pelisse pleine de cendres. Il alla ensuite vers son épouse qui pleurait avec amertume. Il l’embrassa. Son épouse fut très heureuse car son époux avait traversé toutes les épreuves.
Lorsque les compagnons de son beau-père regardèrent là où Asdi-wā'l s’était allongé, toutes les pierres étaient pleines de glace. Ils furent très étonnés de voir la glace sur les pierres. Le chef dit à ses compagnons : « Mon beau-fils devrait aller vers le feu. Faites-le asseoir à l’arrière de la maison ». Alors Asdi-wā'l alla vers le feu et s’assit avec son épouse à l’arrière de la maison. Le chef dit : « En effet, tu as vraiment un plus grand pouvoir surnaturel que moi, beau-fils ». Ainsi parla le chef, qui est le Soleil, à son beau-fils. Désormais il aimait beaucoup son beau-fils et le respectait.
Ensuite il aima beaucoup Asdi-wā'l. Il demeura pendant quelque temps avec son épouse dans la maison du chef, et toute la tribu du beau-père l’aimait parce qu’il avait vraiment un pouvoir surnaturel, et parce qu’il avait un plus grand pouvoir surnaturel que leur maître. Toutes les étoiles aimèrent donc Asdi-wā'l.

 

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Puis un beau jour, Asdi-wā'l eut le mal du pays, à cause de ceux qu’il avait laissé derrière lui dans notre monde. Il était découragé et pensait à comme c’était. Ensuite il parla à son épouse. Après quelque temps le chef vit comment était son beau-fils, qu’il avait le cœur lourd. Il le questionna donc. La jeune femme lui dit alors que son époux avait le mal du pays ; et le chef dit : « L’endroit que tu as laissé derrière toi n’est pas loin, beau-fils. Tu vas y aller ». Ainsi parla-t-il.
Ensuite le chef lui montra les noms des étoiles et les lui dit ; celles-ci étaient le Milan et the Dipper et la Ligne-de-Pêche-du-Flétan et la Planche-de-Poupe-du-Canoë et la Vieille-Boîte-à-Écorce ; et la jeune femme était Étoile-du-Soir [=Venus]. C’était elle la femme d’Asdi-wā'l.
Lorsque le chef eut terminé de les lui indiquer, il parla à la jeune femme : « Ô enfant ! Montre à ton époux le chemin à suivre pour qu’il puisse retrouver rapidement ceux qu’il a laissé derrière lui ». Alors la princesse se leva et accompagna son époux. Lorsqu’il arriva au bord de la prairie avec sa jeune épouse, la femme emmena quatre petits paniers – un panier plein de viande de chèvre de montagne, un autre plein de graisse de ventre, un autre plein de mûres [« salmon berry », Rubus spectabilis], et elle portait le quatrième comme seau. C’était lorsqu’ils atteignirent le bord de la prairie.
Puis la jeune femme dit à son époux : « lorsque nous glisserons en bas, suis-moi ». Ainsi parla-t-elle à son mari. Puis elle descendit sur les rayons [pieds] du soleil, et l’homme suivait juste derrière son épouse. Ils arrivèrent soudain derrière la maison dans laquelle vivait la mère d’Asdi-wā'l. C’était à nouveau l’hiver, et les gens mouraient à nouveau de faim. Ils entrèrent dans la maison, et sa mère se réjouit lorsqu’elle vit son fils, parce qu’elle pensait qu’Asdi-wā'l, qui était son enfant, était mort. Voyez ! Il est revenu avec une belle épouse. Sa mère était donc contente. Elle donna donc un nouveau potlatch, et le nomma du nom d’un chef, Donneur-de-Potlatch [Waxayē’0k], car il serait quelqu'un qui donnerait des potlatchs ; et ils restèrent là pendant un moment.
Et chaque matin et soir la princesse envoyait son époux et lui demandait de puiser de l’eau fraîche à boire. Chaque fois, elle mettait une plume entre son oreille (et sa tête) ; et dès que son mari rentrait avec son eau, elle plaçait la plume dedans et l’enlevait de là où elle avait mis la plume auparavant entre son oreille (et sa tête) ; et elle faisait cela pendant un moment avant de boire. Puis elle regardait si l’eau était claire. C’est comme cela qu’elle savait si son époux continuait à l’aimer. Ils s’en tinrent à cela pour un certain temps.
Il fit cela pendant un bon moment. Une fois, lorsque le soleil se couchait, la femme envoya à nouveau son mari et lui ordonna de puiser de l’eau : l’homme prit donc un petit panier. Lorsque Donneur-de-Potlatch arriva près de l’endroit où coulait l’eau qu’il allait puiser, voyez !, une [petite] jolie jeune femme le vit approcher. Elle était assise au bord de la source potable. Elle sourit à l’homme. Alors l’homme traversa vers elle et l’embrassa. Après qu’il eut agi ainsi, il lava l’intérieur du petit panier et puisa de l’eau. Puis il rentra et plaça la vaisselle pleine d’eau devant son épouse.

Puis elle ôta encore une fois la plume qui se dressait, et elle la plaça une nouvelle fois dans le seau de son mari. La plume était pleine d’une sorte de vase liquide, comme celle des grenouilles. Elle frappa alors son mari en plein dans le visage avec la plume, qui était pleine de substances sales. Elle se leva tout à coup, très fâchée. Son époux la suivit hors de la maison. « Retournes-y ! Retournes vers celle que tu aimes, que tu embrasses ». Ainsi parla-t-elle. Ensuite elle remonta sur les rayons [pieds] du soleil, et son mari l’accompagna. Elle dit alors une nouvelle fois à son époux : « Rentres, de peur que je ne regarde en arrière vers toi ! ».
Donneur-de-Potlatch ne s’est pas soucié de ce que son épouse lui disait, parce qu’il souhaitait ramener son épouse dans sa maison. Il suivait son épouse en pleurant. Elle lui répéta : « Rentres, de peur que je ne regarde en arrière vers toi ! ». Tous les deux montèrent le long des rayons [pieds] du soleil. La femme montait en premier. Alors que l’homme montait encore, la femme, lorsqu’elle arriva au sommet de l’échelle qui menait en haut, regarda en arrière. Alors il sombra et disparut complètement.

Ensuite, cependant, la princesse continua à pleurer. Elle entra dans la maison de son père. Elle entra en pleurant. Son père lui demanda donc : « Ma chère, pourquoi pleures-tu ? ». Ainsi s’exprima le chef. Elle dit alors à son père qu’elle avait regardé en arrière vers son époux, et qu’il était mort. Ainsi parla la princesse à son père. Le chef réprimanda la jeune femme et dit : « Pourquoi étais-tu en colère, et pourquoi as-tu agi ainsi envers mon beau-fils ? »

Il saisit immédiatement son filet qui était suspendu dans la maison et ouvrit l’extrémité avant de l’âtre pour remonter ses os. Il déposa (le filet) à l’endroit de l’ouverture (l’intérieur vers le bas). Puis il remonta les os avec toute la chaire. Il le reposa à terre. Il fit cela quatre fois, puis tous les os et toute la chaire furent récupérés. Il les remit ensuite en ordre ; et il balança la plume prodigieuse quatre fois au-dessus de l’endroit où le corps mort de son beau-fils gisait, – cette [même] plume que portait sur sa tête la fille du chef. Le beau-fils du chef revint à la vie, et ils furent heureux. Puis Donneur-de-Potlatch aima à nouveau son épouse, et la femme fit de même envers lui.
Ils restèrent là pour quelque temps ; puis l’homme eut à nouveau le mal du pays à cause de ceux qu’il avait quitté et pleurait donc. Le père de la jeune femme s’est enquis de savoir pourquoi son beau-fils pleurait. « Il dit qu’il a le mal du pays à cause de ceux qu’il a quitté », dit-elle à son père. Un jour ils se levèrent à nouveau et dirent adieu [for a while about good heart] à leur beau-père, prévoyant de partir à temps. Puis ils redescendirent sur les rayons [pieds] du soleil. Ils arrivèrent à nouveau derrière les maisons. Alors la femme enlaça immédiatement son époux, l’embrassa, et ils furent heureux pour un temps. Après qu’elle eut agi de la sorte, ils se séparèrent, et elle disparut soudainement, et il ne la revit plus. Lui entra cependant chez sa mère. Voyez ! sa mère était morte, elle était décédée avant qu’il ne revienne. Alors Donneur-de-Potlatch continua à descendre en aval du fleuve Skeena.

 

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Il arriva à un camp, un village Tsimshian, G·inaxang··i’gEt. Lorsqu’il sortit des bois, il rencontra une noble femme derrière les maisons. Elle lui sourit immédiatement, Donneur-de-Potlatch se dirigea donc vers elle. Il l’interrogea, et elle lui dit : « Je suis la fille du chef. Il est le maître du village. J’ai quatre frères ». Donneur-de-Potlatch dit : « Acceptes-tu de m’épouser ? ».

Ensuite la princesse accepta ; et elle lui demanda donc : « d’où viens-tu ? ». Alors il lui expliqua : « D’abord mon nom était Asdi-wā'l ; désormais je porte le nom de Donneur-de-Potlatch ». Ainsi parla-t-il à la noble femme. Pour cela, elle l’aima beaucoup. Elle lui dit : « Épouse-moi maintenant » car elle avait entendu depuis longtemps des gens mentionner le nom d’Asdi-wā'l ; pour cette raison, la femme était très heureuse d’être son épouse. Lorsque le jour tomba, il accompagna la femme en bas (au village). Ils restèrent dedans (dans la maison) sur la plateforme de la princesse.

Lorsque le matin arriva, le chef savait que sa fille était restée avec quelqu’un jusqu’au matin. Il dit donc : « Ma chère, qui est avec toi ? ». Ainsi parla-t-il à sa fille. La femme lui répondit : « C’est Asdi-wā'l, qui est Donneur-de-Potlatch, qui m’a épousée. Ainsi parla-t-elle à son père. Alors le chef dit : « Ma chère, accompagne mon beau-fils près du feu ». La femme avança vers le feu avec son mari, et ils s’assirent d’un côté du feu avec tous ses beaux-frères. Tous [ensemble] étaient de bonne humeur, le beau-fils et tous ses petits beaux-frères. Ils entrèrent ensemble dans la maison, et tous étaient heureux.
Ils n’étaient pas mariés depuis longtemps lorsque les gens rompirent [l’assemblée] pour se déplacer. Lorsqu’ils se déplacèrent, il regroupa tous ses petits beaux-frères et dit : « Venez, allons chasser des chèvres de montagne [apprécier la montagne] ! Nous n’avons pas de viande ».
Ils se levèrent tôt le matin. Ils montèrent ; et lorsqu’ils atteignirent la crête de la montagne, voyez ! les chèvres de montagnes étaient comme des larves d’un côté de la montagne. Alors Donneur-de-Potlatch enfila ses raquettes à neige, prit sa lance et son arc et ses flèches, et courut et transperça les chèvres de montagne, et il en toucha d’autres avec ses flèches. Il les tua toutes. Puis il les laissa glisser vers ses beaux-frères. Il les divisa entre ses beaux-frères, mais il en prit aussi un peu lui-même pour les donner à son beau-père. Ils portèrent ensuite la viande et le gras en bas, et ils finirent (de ramener) en bas toute la viande.
Puis ils commencèrent à se déplacer, à aller du côté de Metlakahtla. Pendant qu’ils se déplaçaient, la princesse tomba enceinte. Ensuite les gens se déplacèrent à nouveau vers le fleuve Nass. Un jour, tous les Tsimshians se mirent donc en route. Les petits beaux-frères embarquèrent aussi, mais ils laissèrent leur père derrière eux à Metlakahtla. Tous les petits beaux-frères avaient leur propre canoë lorsqu’ils se déplaçaient. Le plus âgé avait Donneur-de-Potlatch à bord. Ils partirent tous ensemble. La femme, cependant, aimait chèrement son époux. Ils arrivèrent de Metlakahtla, et campèrent au village KsE-mā'ksEn. Ils campèrent là un petit moment, parce qu’ils avaient un vent de face. Ils ne pouvaient donc pas déplacer leur camp immédiatement.

Lorsqu’ils étaient assis autour du feu tard le soir dans leur maison, en train de couper du poisson, ils parlèrent de ce que faisaient les chasseurs maritimes et de ce que faisaient les chasseurs de montagne. Donneur-de-Potlatch dit donc : « Je pense que le chasseur de montagne, cependant, est meilleur que le chasseur maritime ». Ses petits beaux-frères se moquèrent alors de lui. L’un d’eux dit : « Allons chasser demain, nous autres chasseurs, pour que nous voyions qui est le meilleur ».
Lorsque le jour commença à pointer, ils mouillèrent leurs canoës pour aller chasser sur l’eau, et ils partirent au large ensemble dans un canoë. Donneur-de-Potlatch, pour sa part, escalada la montagne en raquettes à neige. Il tenait sa lance et son arc et ses flèches. Il trouva deux repères d’ours. Il enfuma ensuite le repère d’ours. Lorsque les ours respirèrent la fumée, ils sortirent, et il les tua lorsqu’ils se montrèrent. Puis il alla à l’autre repère d’ours et enfuma l’intérieur. Voyez ! deux d’entre eux sortirent à nouveau, et il les tua tous au moment où ils sortirent. Il en tua quatre au total. Puis il porta en bas ceux qui étaient gras ; et il en laissa certains derrière lui. Il les transporta donc en bas jusqu’à la nuit [en bas, appréciant la nuit].
Puis, il sortit des bois vers leur campement. Voyez ! il n’y avait personne, parce que ses petits beaux-frères étaient très honteux d’être rentrés à la maison les mains vides [sans même un peu d’écume]. Eux, pour leur part, n’avaient rien abattu alors qu’ils chassaient sur le canoë. Ils étaient donc énervés, et le quittèrent. Alors Donneur-de-Potlatch fut triste. Il s’était donc assis au pied d’un arbre et se mit à pleurer. Il eut froid et faim, et son épouse aimée était partie à nouveau. Il resta assis toute la nuit.

 

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Au matin, un canoë arriva là où il était assis dans le campement désert. Des gens qui se déplaçaient arrivaient de G·îtxāła. Ils se rendaient aussi vraiment vers le fleuve Nass pour la remontée des éperlans. Ils campèrent dans le camp vide. Lorsqu’ils commencèrent un feu, Donneur-de-Potlatch alla vers eux et dit : « Puis-je me joindre à vous pour un moment ? ». Ils acceptèrent.
Ceux-ci étaient également quatre frères, et parmi eux il y avait une petite sœur. Alors Donneur-de-Potlatch leur raconta ce qui lui était arrivé. Ils eurent pitié de lui lorsqu’ils entendirent ce qu’il dit. Ils placèrent leur petite sœur (près de lui), pour qu’il l’épouse. Donneur-de-Potlatch leur dit alors où se trouvait son gibier. « J’ai tué quatre ours hier. Ils se trouvent là ». Ils se levèrent et y allèrent ; et ils arrivèrent à l’endroit où se trouvaient les ours. Ils en furent heureux. Le lendemain, ils poursuivirent donc leur chemin ; et ils étaient très heureux en remontant le fleuve.
Ils se dirigèrent en direction du fleuve Nass, et le soir ils campèrent au lieu-dit Éperlan. Cependant, les Tsimshians avaient de nouveau faim. Ils mouraient de faim. Alors ils entendirent la nouvelle selon laquelle les G·îtxāłas campaient à leur camp de pêche aux éperlans. Ils se rendirent alors vers ceux qui avaient, selon les dires, du saumon dans leurs canoës, et de la viande fraîche. Ils vinrent donc acheter de la viande, et les petits beaux-frères vendirent la viande.
Puis Donneur-de-Potlatch monta encore dans les bois, et tua deux ours. Il en donna un au plus âgé, et distribua l’autre entre les trois (autres) beaux-frères. Il y alla encore le lendemain matin et abattit deux ours grizzli. Ensuite de quoi il invita tous les chefs Tsimshians à une fête. Tels sont ceux qu’il invita, et qu’il régala avec la viande des ours et des deux grands ours grizzli. Puis il fit connaître à tout le monde son nom de chef. Les gens surent donc son nom.
Ils campèrent pendant un bon moment au fleuve Nass. Voyez ! tout à coup ils goûtèrent l’huile d’éperlan ; et lorsqu’ils eurent terminé ce à quoi ils s’étaient attelés, ils retournèrent tous en aval du fleuve et commencèrent à rentrer dans leurs propres maisons, tous les Tsimshians ; et ils s’en retournèrent aussi dans leur propre village de Metlakahtla ; et les G·îtxāła aussi en firent de même : ils partirent vers leur propre village de Lax-alān. Ensuite Donneur-de-Potlatch sortit en mer à bord (du canoë) de ses petits beaux-frères vers ceux qu’il avait quitté.
Il resta là pendant un temps ; et voyez ! la richesse de Donneur-de-Potlatch augmenta parmi les G·îtxāła, bien qu’ils fussent une étrange tribu. Alors sa renommée s’étendit à tous les campements, car il était un grand chasseur. Telle était sa renommée parmi les gens. Il était très riche dans un étrange pays. Puis naquit l’enfant de Donneur-de-Potlatch, un petit garçon.
A la moitié de l’hiver, ils empilèrent un feu, et ses petits beaux-frères s’assirent autour, parlant des difficultés des chasseurs de lions de mer à grimper sur les rochers. En raison des grandes vagues, il est très difficile d’aller au large. Alors qu’ils discutaient de cela, chef Donneur-de-Potlatch dit : « Mes chers, peut-être dois-je enfiler mes raquettes à neige à (l’endroit) dont vous parlez. J’enfilerai mes raquettes à neige, et je courrai au sommet des rochers dont vous parlez ». Ce à quoi tous ses petits beaux-frères répondirent ensemble : « Oh, embarque avec nous, et demain nous verrons comment tu grimpes sur le rocher aux lions de mer ». Il accepta.
Tôt, lorsque le matin arriva, les petits beaux-frères se levèrent et partirent dans leurs quatre canoës. Donneur-de-Potlatch était à bord avec le plus âgé. C’est celui qui souhaitait beaucoup qu’il soit dans son canoë. Ils partirent ensemble, et se dirigèrent vers le rocher aux lions de mer. Celui-ci se trouvait loin en mer. Ils arrivèrent juste devant le rocher où se trouvaient les lions de mer. Lorsque le soleil fut juste au milieu du ciel, le rocher était distinctement là à distance. Ils pagayèrent aussi fort que possible [se vidèrent à pagayer] ; et lorsqu’ils furent près du rocher, voyez ! il était plein de lions de mer.
Donneur-de-Potlatch se leva alors à l’avant du canoë de son beau-frère, prêt à bondir, et il était vêtu de tous ses habits de chasse. Il portait ses raquettes à neige et tenait sa lance et son arc, et il portait de chaque côté de son cou deux carquois. Il avait sa pelisse sur les épaules. Puis il se tint prêt. Lorsque le canoë s’éleva avec une vague, et se rapprocha, il bondit hors du canoë. Il vola au sommet du rocher, et vida tous ses carquois en tirant sur les lions de mer, et il en transperça plusieurs [de sa lance]. Il avait tué tous les lions de mer. Plusieurs sautèrent dans l’eau avec les flèches et se précipitèrent dans l’eau.

Après avoir agi ainsi, il retourna aux environs d’où se trouvaient les canoës de ses petits beaux-frères. Voyez ! cependant, celui à bord duquel il était venu s’en était allé au large et l’avait laissé sur le grand rocher, parce que l’aîné était très honteux ; mais trois flottaient environ, l’attendant. Alors Donneur-de-Potlatch se tint debout sur le bord du rocher et ne dit rien. Tous ses trois petits beaux-frères disaient qu’il devrait monter à bord. Lui dit doucement : « Partez au large et laissez-moi rester ici ! ».
Puis celui qui suivait l’aîné [en âge] le laissa et partit au large, et il ne resta plus que deux canoës à attendre. Après un petit moment, le suivant s’en alla ; mais son plus jeune beau-frère n’était pas pressé de le quitter, et dériva dans les proches environs. Il patienta un long moment, jusqu’à ce que le soleil fut sur le point de se coucher [de rentrer]. Il souhaitait le prendre à bord. Il dit alors : « Mon cher, monte à bord ! ». Ainsi parla-t-il à celui qui attendait. « Je sais que ton cœur est bien disposé à mon égard, que tu m’aimes ; mais tes frères aînés m’ont vraiment quitté ».
Le plus jeune seulement se mit alors à pleurer, et il le quitta, allant lentement en direction du rivage. Il resta alors tout seul sur le rocher loin en mer. Il n’avait pas de feu pour se garder au chaud. Il n’avait rien à manger. Il resta assis toute la nuit. Lorsque arriva le matin, il se leva. Puis il retira ses flèches qui étaient [plantées] dans les lions de mer, et remplit l’un de ses carquois. Lorsque la nuit tomba à nouveau, il se coucha et dormit.
A minuit, un vent se leva ; et lorsque le matin arriva à nouveau, une forte rafale se leva et souffla contre le grand rocher. Les vagues submergèrent le rocher aux lions de mer, et le sommet fut recouvert d’écume. Alors Donneur-de-Potlatch dressa sa lance sur le rocher, et il déposa sur le sommet son arc et toutes ses flèches, et il disposa une flèche en travers du sommet. Alors son père, l’oiseau, arriva et lui donna sa pelisse. Il s’assit donc au sommet de la lance, sur ce qu’il avait mit bout à bout. C’est là-dessus qu’il s’est assis. Lorsqu’une grande accalmie arriva soudainement, il reprit ses outils de chasse. La tempête souffla pendant deux jours et deux nuits.
Désormais le calme était revenu, et l’écume s’était retirée. Lorsque le soleil se leva, Donneur-de-Potlatch se coucha, car il était fatigué. Pendant qu’il dormait, une personne le poussa et dit : « Mon grand-père t’invite chez lui ». Ainsi entendit-il quelqu’un parler. Il se leva donc et regarda alentours. Non, il ne vit rien, seulement la grande surface du rocher, et encore la grande surface du rocher. Il se recoucha, et pensa qu’il avait rêvé.
Il se rendormit, et entendit à nouveau quelque chose s’approcher ; et cela le poussa, et dit à nouveau : « Mon grand-père t’invite chez lui ». Ainsi parla-t-il. Alors il retira soudainement sa pelisse et regarda aux environs de là où il était couché. Il ne vit rien, et se recoucha, répétant cela une troisième fois. Puis il fit un trou dans sa pelisse en vison et regarda à travers, et il enroula sa pelisse autour de son visage. Il regarda à travers à l’endroit où il avait fait le trou. Puis il attendit jusqu’à ce qu’arriva celui qui l’avait poussé.
Cela se produisit encore. Voyez ! une petite souris arriva à l’endroit où Donneur-de-Potlatch était couché. Elle le poussa et dit : « Mon grand-père t’invite chez lui ». Ainsi parla la petite Souris. Puis elle s’en alla là-bas sous [le sol] au pied d’une touffe d’herbe. Il se leva donc et se dirigea là où se trouvait la touffe d’herbe, et l’arracha. Voyez ! le sommet d’une échelle s’étirait en bas dans (le sol). Alors toutes les personnes qui se trouvaient dans la maison dirent : « Oh, maintenant il est entré ! » Puis ils étendirent des nattes pour qu’il puisse s’asseoir d’un côté de la maison proche du feu. Il descendit dans la maison sur l’échelle.
Dès qu’il fut assis en bas là où ils le firent s’asseoir, La Souris-Femme vint à lui et lui demanda : « Mon cher, ignores-tu qui t’a fait cela ? ». Ainsi lui parla la Souris-Femme en l’interrogeant ; il répondit donc : « Non ». C’est pour cela qu’elle dit encore : « Oh, mon cher ! Ôte tes apparats d’oreilles et jette-les dans le feu parce que je veux les prendre ». Il fit alors ce que la Souris-Femme dit.
Donneur-de-Potlatch regarda ensuite tout autour dans la maison. Voyez ! ses flèches étaient figées [en travers] dans la grande maison. La Souris-Femme parla ensuite une nouvelle fois : « Ceci est le village des lions de mer, et cette maison est celle du chef. Ce sont tes flèches qui sont plantées dans tout le monde. Cela a vraiment frappé tout le village. Ils souffrent à cause de tes flèches. Ils disent qu’ils meurent vraiment d’une épidémie ».
Puis Donneur-de-Potlatch entendit les gens gémir dans la maison. Donneur-de-Potlatch interrogea donc un esclave du chef qui servait de la nourriture. Lorsqu’il eut terminé de manger, il leur dit qu’il savait comment soigner l’épidémie qui les [vous] frappait tous. Ainsi parla-t-il. Tous les lions de mer furent heureux de ce qu’ils entendirent, de ce que Donneur-de-Potlatch avait dit, qu’il pouvait soigner l’épidémie.

Donneur-de-Potlatch commença alors en premier par le chef et retira sa flèche. Lorsqu’il en fût soulagé, il fut sauvé de l’épidémie. Puis il déambula dans la maison parmi les gens, et retira leurs flèches ; et vraiment tout le monde [chacun] fut sauvé de l’épidémie. Tous les lions de mer se mirent alors à aimer Donneur-de-Potlatch parce qu’il les avait sauvé de l’épidémie. Il resta pour quelque temps dans la maison des lions de mer. Désormais, nous n’irons pas plus loin dans [le récit de] ce qu’a fait Donneur-de-Potlatch.

 

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Dès que la grande tempête fut retombée, les quatre beaux-frères souhaitaient visiter le rocher pour voir si leur beau-frère était mort ou vivant. Ils se levèrent donc un matin et se rendirent au rocher. Ils restèrent dessus, mais ils ne le trouvèrent pas. Ils pensèrent donc que les vagues l’avaient emporté, lorsque les grandes vagues balayaient [le rocher] toute la journée durant la grande tempête. Ils retournèrent ensuite vers le rivage. L’épouse de Donneur-de-Potlatch pleurait tout le temps parce que son mari était mort. Chaque matin elle portait son enfant sur son dos et allait avec lui dans les bois, pleurant toute la journée. Et lorsqu’il faisait vraiment sombre, elle rentrait à nouveau.

 

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Maintenant nous allons de nouveau retourner à Donneur-de-Potlatch. L’amour du maître des lions de mer et de toute sa tribu avait augmenté considérablement. Un jour Donneur-de-Potlatch eut le mal du pays à cause de son épouse et de son enfant. Il parla donc au maître des lions de mer. Le chef dit donc à ses préposés : « Allez et dites que je veux emprunter le canoë d’Estomac-Total ». Ainsi s’adressa le chef à ses attendants. Ensuite ils partirent. Lorsqu’ils revinrent, ils dirent au chef : « Il dit que le canoë que tu veux emprunter est fendu ».
Il dit alors encore une fois : « Allez et dites à Celui-comme-les-Lions-de-Mer que je veux emprunter son canoë ». Ils s’en allèrent une nouvelle fois ; et lorsqu’ils revinrent, ils dirent : « Ô chef ! le canoë que tu veux emprunter est aussi fendu ». Les flèches de Donneur-de-Potlatch étaient plantées dans les estomacs des lions de mer.

Le chef dit donc à ses préposés : « Amenez mon propre canoë près du feu. Je vais le prêter à mon fils, et aussi mon ballast ».  Les attendants du chef firent ainsi. Ses attendants prirent un grand estomac de lion de mer et deux charges de ballast. Puis il conseilla Donneur-de-Potlatch : « Va dans ce grand estomac ; et lorsque le ballast sera dedans, embaluchonne-le toi-même lorsque tu seras rentré dedans. Lorsque le vent t’aura mis à flot, alors dis : “Souffle-moi à terre, vent d’Ouest !”. Ainsi devras-tu parler. Lorsque tu sentiras que tu atteins le rivage, tu entendras alors le bruit des vagues qui frappent la rive maritime. Le vent te poussera à terre sur une plage de sable. Lorsque tu sentiras que tu es arrivé sur le (sol) sec, détache ce qui aura été embaluchonné. Sors et attache-le à nouveau. Puis remets-le à flot, et dit à nouveau : “(Vent d’Est), conduis-le en mer”. Ainsi devras-tu parler ». Le chef s’arrêta ensuite de parler à Donneur-de-Potlatch.

Donneur-de-Potlatch entra ensuite à l’intérieur du grand estomac, et l’attacha lui-même. Puis les compagnons du chef prirent le grand estomac et le mirent à flot. Donneur-de-Potlatch prononça alors ce qui lui avait été dit : « (Vent d’Ouest), conduis-le à terre ». Ainsi parla-t-il. « Seulement (vent d’Ouest), mène-le à terre ». Ainsi parla-t-il au grand estomac. Lorsqu’il sentit que le vent l’avait poussé sur la terre de l’intérieur, il entendit les vagues frapper le sable sur le rivage maritime. Puis il sentit qu’il était arrivé sur le (sol) sec. Il détacha ce qui avait été embaluchonné, et sortit. Il le resserra à nouveau, et le remit à flot. Puis il le poussa au large de la plage de sable, et il dit : « (Vent d’Est), conduis-le au large ». Ainsi parla-t-il. Puis, cependant, il y eut un léger vent au large. Alors qu’il se dressait sur la mer, voyez ! il s’éloignait de lui.
Puis il alla vers l’intérieur [des terres]. Lorsqu’il était là parmi les arbres, des cris et des pleurs parvinrent à ses oreilles. Il entendit aussi un enfant pleurer. Il avança donc lentement, et s’en approcha. Voyez ! son épouse était assise là en pleurant. Il s’assit près d’elle, l’enlaça, et dit : « Ne pleure pas, je suis toujours en vie ! N’as-tu pas conservé ma boîte à outils ? » – « Si », répondit son épouse. « Alors apporte-moi ma boîte avec mon herminette et mon marteau ».

Alors que la nuit était sur le point de tomber, la femme descendit et rentra [près de] (la maison de) chez son plus jeune frère. Très tôt le matin elle se leva. Elle prit avec elle les outils de son mari, le marteau et l’herminette. Son frère lui demanda donc : « Que vas-tu faire ? ». Elle lui répondit qu’elle allait les brûler. Ensuite elle sortit et alla vers l’intérieur. Elle arriva à nouveau vers son époux. Il demanda donc à son épouse : « Est-ce que ceux qui sont tes frères se sont bien occupés de toi ? ». Ainsi parla-t-il. Ce à quoi la femme répondit : « Non, seul le plus jeune a été gentil avec moi ; mais son frère aîné le déteste parce qu’il m’aime ». Ils montèrent alors loin à l’intérieur, et arrivèrent au bord d’un lac. Ils campèrent là et il fit un feu.

Puis il dit à son épouse : « Descends chercher de la nourriture ». Alors la femme descendit, et remonta avec beaucoup de nourriture. Donneur-de-Potlatch abattit un cèdre, et il le travailla et fit une orque car il était expert dans l’art de sculpter. Puis il commença à travailler, et fabriqua (une autre) orque. Lorsqu’il eut terminé, il frotta du charbon sur les dos des orques qu’il avait fabriquées en cèdre rouge, les rendant noires. Il appliqua ensuite de la chaux sur les ventres des orques qu’il avait fabriquées. Puis il les mit au lac, et les orques qu’il avait fabriquées commencèrent à flotter. Il les poussa sur le lac et mit ses mains sur chacune d’elles. Elles commencèrent à nager : et tout à coup les orques se mirent à bouger. Elles s’en allèrent et plongèrent dans le lac. Soudain, après un moment, elles remontèrent pour souffler. Elles se retournèrent et leur ventre était à la surface ; elles dérivaient et étaient mortes.
Donneur-de-Potlatch alla vers l’eau et les ramena sur le rivage, et les découpa en pièces et les brûla. Il essaya [jusqu’au bout avec] toutes sortes d’arbres. L’épouse de Donneur-de-Potlatch, cependant, fit ceci. Une fois qu’elle montait, elle dit à son mari que tous ses beaux-frères allaient retourner en mer pour aller vers le rocher aux lions de mer au lendemain du jour suivant. Ainsi parla-t-elle à son époux.
Enfin, il coupa maintenant un grand cèdre jaune et commença à le travailler, fabriquant des orques. Lorsqu’il les eut terminé, il noircit le dos de chacune et appliqua de la chaux sur le ventre de chacune ; et pendant un long moment (son épouse) ne s’arrêta pas de déposer de la nourriture et du gras et du tabac et du duvet d’oiseau et de l’ocre rouge dans le feu en sacrifice, afin que son mari puisse réussir ; c’est pour ça qu’elle sacrifiait aux êtres de la surnature.
Ensuite il descendit une nouvelle fois les orques qu’il avait construites, et les mit à la dérive, et il plaça ses mains sur chacun d’elles. Alors à nouveau elles commencèrent à nager, et les deux orques se mirent d’un coup à bouger. Elles plongèrent. Elles lancèrent un jet d’eau et soufflèrent. Puis ils nagèrent dans le lac et lancèrent des jets d’eau. Après un moment, Donneur-de-Potlatch descendit, resta près de l’eau sur la rive du lac, et siffla. Les orques vinrent alors à lui vers le rivage, et il les hissa sur la rive.

Puis le lendemain les beaux-frères descendirent leurs canoës pour aller vers le rocher. Donneur-de-Potlatch descendit les deux orques qu’il avait construites, et les mit à la dérive dans la mer. Il posa d’abord ses mains sur elles, et leur donna un conseil après un moment, en disant : « Lorsque vous verrez l’aîné de mes beaux-frères, renversez (son canoë) près [autour] des rochers. Et le suivant, lorsqu’il se sera un peu rapproché de la terre après avoir quitté le rocher, faites-le aussi chavirer. Et le suivant, lorsque son canoë sera bien proche de la rive, allez le chavirer. Et le plus jeune, lorsqu’il aura vraiment atteint la rive maritime, alors allez le renverser ». Après qu’il les eut conseillées, il les laissa partir. Elles partirent ensuite également vers les frères.

Lorsqu’ils avaient pris le bon nombre de lions de mer, ils s’en retournèrent très heureux vers le rivage parce qu’ils avaient été chanceux, c’est pour cela qu’ils étaient très heureux. Voyez ! de grands lions de mer [sic, orques ?] transpercent le canoë du frère aîné avec leurs ailerons. Il s’est donc renversé. Son canoë se fendit entièrement, et tous furent noyés. Les trois autres canoës, cependant, pagayaient et tentaient de rejoindre le rivage. Lorsqu’ils prirent un peu distance par rapport au rocher, les deux orques s’approchèrent à nouveau des trois canoës.

Elles transpercèrent alors le canoë du prochain frère en âge avec leurs ailerons et le brisèrent, et ils furent tous noyés. Alors ils pagayaient aussi fort que possible pour atteindre le rivage. Lorsqu’ils furent à une courte distance de la rive maritime, les deux orques réapparurent et transpercèrent le canoë du suivant en âge avec leurs ailerons, et ils le cassèrent aussi. Leurs compagnons vinrent à leur rencontre et les prirent à bord du canoë du plus jeune frère. C’est lui qui les prit à son bord.

Alors ceux (les gens) dans le canoë du plus jeune frère allèrent à terre aussi vite que possible. Elles vinrent à nouveau, et transpercèrent son canoë avec leurs ailerons, et le cassèrent près du rivage, et ils purent tous rejoindre la rive. Ils furent tous très tristes parce que les aînés s’étaient noyés. Donneur-de-Potlatch descendit depuis du lac et resta quelque temps avec le plus jeune beau-frère.

 

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Après une année, il souhaita un jour retourner vers ceux qu’il avait laissé au fleuve Skeena. Il partit donc, et laissa sa femme et son enfant. Il était seul dans son canoë. Il se dirigea vers un village G·înadâ’s ; c’est là qu’il resta un moment. Puis il donna à nouveau un grand potlatch. Puis il prit à nouveau un nom de chef. Lanceur- de-pierres  (Da-huk-dza’n) était son nouveau nom.

Après qu’il eut donné son potlatch, son fils aîné de sa première épouse arriva. C’était un jeune homme et un très grand chasseur. Il demanda l’arc et les flèches de son père. Lanceur-de-pierres les lui donna donc, et le garçon donna aussi un petit chien à son père. Puis ils se séparèrent. Le garçon était un expert chasseur.

Lorsque l’automne arriva une nouvelle fois, Lanceur-de-pierres se leva et monta vers le lac de G·înadâ’s pour chasser des chèvres de montagne. Lorsqu’il montait vers le lac, voyez ! les chèvres de montagne étaient partout comme des larves sur un côté de la montagne. Il prit alors le petit chien que son fils lui avait donné, et sa lance, et il escalada la montagne, et il poignarda les chèvres de montagne. Enfin, il laissa glisser les chèvres de montagne en bas.
Après un court instant, il se souvint qu’il avait oublié ses raquettes à neige dans sa maison ; il ne pouvait alors pas bouger sur la grande montagne glissante, car il avait oublié ses raquettes à neige, qu’il utilise toujours en cas de difficultés ; car il avait toujours surmonté toutes les difficultés avec ces raquettes à neige, où que ce fût. Que pouvait-il donc utiliser maintenant ? Il portait seulement son chien que son fils lui avait donné. Il resta donc toujours là. Où pourrait-il aller maintenant ? Il ne pouvait plus ni monter, ni descendre, et ne pouvait aller ni d’un côté ni de l’autre.
Après un petit moment, son père, Hū't, arriva. C’est lui qui l’emmena avec lui vers sa propre maison, mais son corps resta là et devint pierre ; le petit chien et la lance aussi, tout devint pierre ; et même maintenant ils se dressent là au sommet de la grande montagne vers le lac G·înadâ’s ; et toutes les générations de personnes l’ont vu se tenir là-haut sur la montagne. Lui et son chien et sa lance sont de la pierre. C’est la fin. 

 

Traduit de l’anglais par Maïté Agopian et Patrick Plattet.