J’appelle ici « pop domestique » un courant qui regroupe les 2/3 de la production actuelle groenlandaise, caractérisée par certains traits : présence fréquente de l'accordéon ; rôle très discret de la guitare électrique (elle donne un peu d'épaisseur mais n'est jamais mise en avant; elle est légèrement amplifiée, mais il n'y a pas d'autres effets sur le son) ; voix claire et spontanée ; musique pratiquement sans ruptures (ni harmoniques, ni rythmique), largement prévisible, qui se glisse en douceur dans les oreilles.
Les deux exemples musicaux présentés ici se distinguent sur un point important: la notoriété . En effet, Marius Reimers fait partie de toute une vague d’artistes plutôt inconnus, auteurs-compositeurs, qui arrosent les ondes locales, alors que Qulleq est beaucoup plus connu : Nina, sa chanteuse, est volontiers citée comme l’une des meilleures du pays par ses compatriotes. Mais pourquoi parler de « pop domestique»? N'est-ce pas de la musique de variété telle qu'on pourrait en trouver dans nos bals de campagne ou en fin de soirée de mariage? On trouve effectivement des musiques très proches ailleurs dans le monde; elle possède toutefois au moins deux caractéristiques qu'elle partage avec d'autres styles musicaux importants au Groenland: l'accordéon est le roi de la polka, et la présence quasiment systématique de plusieurs voix pourrait être rapprochée de la longue tradition des hymnes. Mais ce qui la distingue au Groenland est surtout sa vivacité: ce n'est pas du tout une musique marginale cantonnée à une tranche d'âge ou à des occasions particulières, mais bien la musique du quotidien radiophonique.