Ritualités funéraires autour des morts exhumés : de l’élaboration des pratiques aux enjeux de reconstruction collective et individuelle

Résumé

Cet article étudie les modalités de production des nouvelles pratiques rituelles élaborées dans le cadre des exhumations au Guatemala, et les acteurs qui les mettent en place. Les exhumations impliquent des manipulations inédites des morts, qui sont chargées d’un poids symbolique important. Les morts du conflit armé interne (1960-1996) sont essentiellement des populations civiles indigènes, massacrées par l’armée. Nous nous intéresserons au rôle spécifique des équipes d’anthropologie légiste (indépendantes du gouvernement) dans l’élaboration de ces pratiques depuis les années 1990. Par la suite, nous nous attacherons à montrer comment les familles elles-mêmes et les responsables religieux locaux sont également acteurs des transformations rituelles autour des morts.

Abstract

“Funerary rituals around exhumed deaths : from the elaboration of practices to the challenges of collective and individual reconstruction.”
This article examines the modalities of production of new ritual practices and the actors who establish them in Guatemalan’s exhumation of the dead. The exhumations involve the unprecedented manipulation of dead bodies, in an emotionally and politically charged context. The victims of the armed conflict (1960-1996) are mostly civilians from indigenous populations. The national army is the principal perpetrator. We will focus on the role of the independent forensic anthropology teams in the elaboration of new rituals since the 1990s. Then we will analyze how the parents of the dead, as well as local religious leaders are also actors in this ritual innovation.

Sommaire

Introduction

Au cours des années 1960-1980, des mouvements de guérilla marxiste ont affronté l’armée guatémaltèque, alors sous les ordres de gouvernements dictatoriaux. Ce conflit a fait plus de 200 000 victimes, en particulier parmi les populations indigènes. Bon nombre d’entre elles ont été inhumées dans des fosses communes ou des cimetières clandestins. Avant même la fin du conflit, certaines exhumations avaient été réalisées, mais ce processus n’a pris de l’ampleur qu’à partir de la signature des accords de paix en 1996. Depuis la fin des années 1990, des équipes d’anthropologie légiste [1] indépendantes du gouvernement travaillent à exhumer les victimes.

Les exhumations impliquent des manipulations inédites des morts, qui sont déterrés, et dont les restes sont ensuite analysés en laboratoire, avant d’être restitués aux familles, puis réenterrés. De ce fait, elles appellent la construction de pratiques rituelles inédites. Ces pratiques sont réalisées au moment de la réinhumation, mais aussi lors de l’excavation et au moment où le corps passe des mains des anthropologues légistes à celles de la famille. Les ritualités mises en place puisent dans le registre des coutumes locales, comme la veillée des morts, organisée par la famille la veille de l’enterrement, ou dans une religiosité maya réinvestie dans la période post-conflit [2], ainsi que dans les pratiques des confessions chrétiennes, catholique et protestante. Cependant, ni la coutume ni les Églises chrétiennes ne peuvent faire face de façon satisfaisante à ces circonstances exceptionnelles, où les morts ont été enterrés sans rites, puis réenterrés parfois près de trente ans plus tard. Le caractère extraordinaire de la situation appelle la production de nouvelles façons de faire. Laissant de côté les enjeux politiques soulevés par le retour des morts, notamment l’ambivalence de l’État, qui abandonne à la société civile la prise en charge des victimes (voir Duterme 2016), nous nous proposons d’étudier la façon dont sont élaborées ces nouvelles pratiques, en s’intéressant aux acteurs qui les produisent.

Dans un premier temps, nous nous attacherons à montrer la place particulière qu’occupent les anthropologues légistes dans ce processus. Leur travail les amène à être en proximité physique avec le mort, dont ils sont les seuls à manipuler les restes. Leur présence est indispensable au processus d’exhumation. De ce fait, les équipes légistes sont les acteurs les plus stables au sein de la mosaïque de protagonistes des exhumations. Ils sont amenés à rencontrer et souvent à collaborer avec les autres acteurs : les agents des forces judiciaires et juridiques impliquées, mais aussi les familles de victimes, les associations qui les encadrent, ainsi que les responsables des organisations religieuses et des ONG qui apportent leur appui.

Ces deux derniers acteurs ont contribué à standardiser des pratiques d’accompagnement des victimes (accompagnement rituel des morts et accompagnement psychosocial de leurs proches) qui s’inspirent de modèles récurrents dans les situations post-conflit, mais dont la mise en place concrète repose souvent sur des initiatives individuelles. C’est ce que nous chercherons à illustrer dans une seconde partie, en nous intéressant à l’invention de modalités rituelles qui permettent de requalifier la restitution des restes en « retrouvailles » avec les défunts.

Enfin, nous nous intéresserons à la mise en place de rituels au sein des familles de victimes, destinataires des initiatives menées par les autres acteurs. Le contexte social a changé au cours des vingt dernières années, notamment par la rapide montée des mouvements évangélistes, qui transforment le paysage religieux, communautaire et familial. Il nous semble intéressant de montrer les appropriations et aménagements rituels qui se mettent en place à l’échelle locale, en particulier en termes d’échanges entre catholiques et protestants.

Produire l’humanité des restes : la place des anthropologues dans l’élaboration des dispositifs cérémoniels

Dans l’après-midi du 28 novembre 2015, une dizaine de personnes était réunie dans les locaux du Ministère public de la ville de Nebaj, au Guatemala. Il s’agissait de transférer la responsabilité de restes humains, apportés par les anthropologues légistes qui les avaient exhumés, d’abord à l’institution judiciaire théoriquement chargée d’enquêter sur leur mort, puis aux parents des victimes qui les emporteraient pour les enterrer. Les proches des défunts, venus des campagnes avoisinantes (parfois à plusieurs heures de trajet en bus), étaient réunis dans le patio qui servait de salle d’attente, où se trouvaient également deux employées d’une association d’aide aux victimes, et moi-même [3]. Un grand panneau annonçait : « Ministerio Público. Ciencia, Verdad, Justicia. Na’oj, Qitzij, Junamil. Na’ooj, Q’oxq’ona, Q’atb’al q’orik » (« Ministère public » et « Science, Vérité, Justice », d’abord en espagnol puis en plusieurs langues mayas).

Fig. 1 : dans les locaux du Ministère public de Nebaj (département Quiché), restitution des restes humains par les anthropologues légistes.
Photographie : Clara Duterme, 2015.

Fig. 1 : dans les locaux du Ministère public de Nebaj (département Quiché), restitution des restes humains par les anthropologues légistes.
Photographie : Clara Duterme, 2015.

Exhumés quelques mois auparavant, les restes provenaient de plusieurs tombes individuelles, où ils se trouvaient depuis les années 1975-1980, une période du conflit marquée par un pic de violence extrêmement meurtrier. Les victimes furent avant tout des civils indigènes [4], tués dans le cadre de politiques de terre brûlée organisées par les militaires au pouvoir [5]. Elles furent particulièrement nombreuses dans les régions de l’Ixcán et l’Ixil, dont Nebaj est le chef-lieu. La ville de Nebaj a été investie, à partir des années 1990, par un grand nombre d’organisations de défense des victimes, d’ONG, d’observateurs et de journalistes. Elle est encore aujourd’hui le siège de quantité d’organisations investies dans la défense des droits des victimes et des droits des populations autochtones.

Les restes étaient contenus dans de larges boîtes en carton, déposées dans un coin du patio. L’acronyme CAFCA [6] ainsi qu’un sigle, une loupe encerclant une balance, marquaient chaque carton. La symbolique du sigle illustrait clairement l’objectif qui a présidé à la constitution des équipes d’anthropologie légiste chargées de l’exhumation et l’identification des corps : rechercher la vérité sur les victimes du conflit grâce à des méthodes scientifiques, de façon à leur rendre justice. Lorsque je fis part de cette réflexion à l’anthropologue assis à côté de moi, il m’adressa un sourire un peu amer en répondant : « C’est ça. Mais moi, j’y vois plutôt un visage triste [7]. »

Fig. 2 : les cartons contenant les restes exhumés.
Photographie : Clara Duterme, 2015.

Fig. 2 : les cartons contenant les restes exhumés.
Photographie : Clara Duterme, 2015.

En effet, sous un autre angle, les plateaux de la balance se transformaient en deux yeux profondément cernés, qui faisaient écho à la lassitude de mon interlocuteur. Les premières exhumations ont débuté avant même la fin officielle du conflit en 1996. Elles étaient alors pensées comme un moyen de rétablir la justice en réparant les torts faits aux victimes, mortes et survivantes. Plus de vingt ans plus tard, elles se poursuivent dans un climat d’impunité totale pour les responsables et d’échec des transformations sociales prévues par le processus de paix.

Cependant, au-delà des aspects scientifique et judiciaire, une troisième dimension du travail des anthropologues conserve tout son sens : le fait de pouvoir identifier les défunts et de rendre leur corps à leurs proches pour que ces derniers puissent les enterrer dignement. La part « humanitaire » – pour reprendre le terme de Zoe Crossland (2000) – du travail des équipes légistes prend une place particulière au Guatemala. Ils ne se contentent pas d’exhumer, puis d’analyser en laboratoire les ossements découverts, mais ils les accompagnent jusqu’à l’enterrement et c’est souvent vers eux que se tournent les familles de victimes en l’absence de normes établies. Étant ainsi en proximité avec les restes à toutes les étapes du processus, les anthropologues légistes deviennent des acteurs de premier plan dans la mise en place des ritualités funéraires autour des victimes du conflit.

L’échelle des exhumations s’est progressivement modifiée au cours des trente dernières années. Les fosses communes contenant un grand nombre de victimes avaient fait l’objet d’une attention particulière dans les premières années de travail des équipes légistes, car les enterrements collectifs étaient investis comme des signaux politiques forts. Les exhumations actuelles, cependant, concernent de plus en plus des cas individuels. Les anthropologues cherchent à restituer leurs proches aux familles avant que le temps ne réduise à néant des ossements parfois très fragilisés, et avant que les proches parents des victimes ne décèdent à leur tour.

Le passage des restes exhumés et analysés par les locaux du Ministère public constitue un moment charnière puisqu’il marque la séparation entre les éléments qui vont être archivés en tant que preuves judiciaires et ceux qui relèvent d’un traitement cérémoniel. Les premiers seront conservés par l’institution judiciaire [8]. Les seconds, c’est-à-dire tout le reste (ossements et débris, vêtements et possessions personnelles, ainsi que tout autre élément retrouvé auprès du défunt), seront rendus aux familles pour être « enterrés en dignité », selon la formule consacrée par l’usage des organisations de droits humains.

Officiellement, le travail des équipes légistes prend fin à ce moment. Une fois leur rapport rendu, les anthropologues ont épuisé le champ de leurs compétences reconnues par les autorités judiciaires et l’État. Leur légitimité repose sur leur expertise des restes osseux, appuyée sur un savoir scientifique qui s’est constitué au cours du XXe siècle et sur une méthodologie propre aux contextes de post-violence qui s’est développée à partir des années 1980, notamment en Argentine. Dans les années 1990, au Guatemala, les premières exhumations sont réalisées sans cadre légal strict, puis par des équipes organisées en associations. Les membres de ces premières équipes étaient des Guatémaltèques issus de diverses spécialités : médecine, médecine légale et archéologie principalement. Formés par des étrangers venus d’Europe, des États-Unis ou de pays latino-américains possédant déjà une expérience dans ce domaine, ils combinent leurs compétences avec des anthropologues sociaux. L’expertise de ces derniers est nécessaire pour réaliser les entretiens avec les survivants, ce qui permet de déterminer les lieux de fouille et d’identifier les restes, en l’absence d’archives médiales ou administratives. La multiplication des exhumations s’est rapidement accompagnée d’une progressive professionnalisation et normalisation des pratiques. Toutefois, il faut attendre les années 2000 pour que les étapes du processus d’exhumation, formalisées suivant les normes internationales, soient validées par les autorités judiciaires guatémaltèques, sans pour autant que l’État n’impose d’institutionnalisation réelle du processus [9]. Le manuel qui fixe les normes scientifiques et légales des pratiques d’exhumation consacre quelques lignes à l’accompagnement cérémoniel de l’inhumation :

3.22 L’inhumation.
Une fois les ossements reçus [par les autorités compétentes], on procédera à la cérémonie d’inhumation, [organisée] par les parents ou la communauté le cas échéant. Si elle ne relève pas de l’activité professionnelle de l’expert, il est commun que les anthropologues légistes soient invités à accompagner ces activités ou à y participer. Cette participation est volontaire et peut être personnelle ou institutionnelle [10].

Ce constat plutôt vague entérine en fait une réalité déjà en place depuis le début des exhumations : la pratique scientifique des anthropologues légistes a été depuis le début associée aux activités cérémonielles qui encadrent les différents moments du processus. Ainsi, le travail d’excavation est souvent précédé par des cérémonies mayas ou simplement par un moment de prière qui réunit les personnes présentes – anthropologues inclus. La tradition commencée en Argentine n’impose pas une séparation absolue entre l’espace où travaillent les anthropologues et l’espace où circulent les habitants [11].

La plupart des victimes ont été enterrées à proximité de l’endroit où elles ont vécu, dans des cimetières clandestins, des campements militaires et parfois même des cimetières légaux [12]. Il n’est donc pas rare que les proches des victimes, ainsi que les membres de la communauté [13], viennent assister aux fouilles. À la demande des familles, les anthropologues les laissent occuper l’espace qui va être excavé pour réaliser des prières et allumer des bougies – pratiques communes à toutes les confessions religieuses. Les « cérémonies mayas » sont une pratique relativement courante aujourd’hui dans les régions indigènes du pays (Little 2012), effectuée par un spécialiste, relevant de la spiritualité maya ou costumbre (coutume). Les croyances et pratiques autochtones, qui se sont avec le temps articulées aux pratiques catholiques, continuent de coexister avec elles (Falla 1995). Les cérémonies ont lieu à des périodes déterminées par le calendrier maya ou, ponctuellement, sur demande d’un particulier souhaitant assurer la réussite d’un commerce, la sûreté d’un voyage, etc. Les officiants, appelés, dans la région Ixil, « balbaasiix  » (ceux qui disent les prières) (Colby et Colby 1981), vivent au sein des villages. Ils peuvent ou non être associés aux autorités locales mayas, légalement reconnues depuis les accords de paix. Si la famille d’un disparu dont on pense qu’il se trouve sur le site excavé a fait appel à un spécialiste maya, ce dernier réalisera une cérémonie, qui consiste à brûler de l’encens et des bougies et à faire d’autres offrandes en récitant des prières. Une fois le moment de recueillement terminé, les bougies et les autres objets seront déplacés plus loin, le périmètre de fouille sera délimité et restreint pour les seuls anthropologues et l’excavation commencera.

Fig. 3 : extrait du manuel de l’équipe d’anthropologie légiste guatémaltèque CAFCA « Volver al futuro, hablemos de exhumationes » (sans date, CAFCA, p. 20).

Fig. 3 : extrait du manuel de l’équipe d’anthropologie légiste guatémaltèque CAFCA « Volver al futuro, hablemos de exhumationes » (sans date, CAFCA, p. 20).

« – Et les cérémonies ? Nous voulons célébrer un culte évangéliste, mais Don Antonio est catholique et il souhaite inviter le prêtre pour qu’il fasse une messe catholique. Comment faire ?
– Eh bien, pour nous il n’y a aucun problème, les cérémonies relèvent de la décision des parents et de la communauté. Nous respecterons n’importe quelle décision que vous prendrez, et nous allons laisser du temps et de l’espace pour ces cérémonies, à n’importe quel moment : que ce soit avant, pendant ou après l’exhumation. »
Si le texte évoque les pratiques protestante et catholique, l’image dépeint une cérémonie maya.

La présence d’observateurs n’est pas découragée par les anthropologues. Le fait d’œuvrer aux exhumations sous le regard public s’inscrit dans une logique qui vise à contrer les effets des stratégies de terreur, marquées par le silence et le secret, ainsi qu’une nécessité de construire des relations de confiance avec la population locale. L’exhumation des morts suscite aisément la méfiance et les rumeurs, notamment celles touchant au vol d’ossements (voir Vanthuyne 2014), qui s’ancrent dans un imaginaire associé à une réalité historique relativement récente de l’usage des cadavres pour l’étude scientifique (Le Breton 2006). Elles s’inscrivent également dans un ensemble de suspicions ordinaires dans les régions indigènes du Guatemala autour des figures de voleurs d’enfants et des trafics humains [14]. Le fait d’opérer au grand jour est l’une des stratégies mises en place par les anthropologues pour démontrer que leur action vise à aider les victimes. Cela renforce également leur désir d’accompagner le retour des restes, comme nous le verrons plus loin. La présence d’activités cérémonielles au sein des espaces dédiés au travail des anthropologues légistes ne se limite pas au moment de l’excavation. Entre 1999 et 2001, l’évêché du département de Quiché mit en place une équipe légiste qui travailla exclusivement dans la région Ixil et qui fit le choix d’effectuer les analyses osseuses dans la ville de Nebaj, au lieu de transporter les restes à la capitale. Les locaux qui servaient de laboratoire aux anthropologues étaient situés dans les bâtiments de la paroisse, accolés à l’église centrale. Tous les week-ends, ils étaient ouverts au public, qui venait y déposer des fleurs, des bougies ou des offrandes et réaliser des prières [15].

On assiste ainsi à un brouillage des frontières entre les espaces où se déploie l’activité scientifique et ceux où ont lieu les productions rituelles. Les anthropologues reconnaissent la légitimité du souhait des parents que soit organisé un encadrement cérémoniel de l’exhumation. Ils revendiquent d’ailleurs cette nécessité pour eux-mêmes. Ceux qui réalisent le travail d’excavation ont très rapidement pris acte de la distance éthique et concrète qui sépare la fouille archéologique et la réalisation d’exhumations. La temporalité particulière des exhumations fait que les victimes sont éloignées dans le temps par rapport aux défunts ordinaires, mais bien plus proches que les squelettes exhumés par l’archéologie. Comme le soulignait l’un d’eux : « Ce n’est pas la même chose de casser [d’un coup de pioche] un pot en terre, ou un crâne humain. Cela n’est pas pareil. » Les affects particuliers suscités par ces morts contribuent à l’investissement des anthropologues légistes, bien au-delà de ce qu’en laisse entrevoir le manuel. Il arrive qu’ils en viennent à occuper une place de premier plan. Le même interlocuteur poursuit ainsi en expliquant que, dans les premiers temps de son activité, il s’est régulièrement retrouvé démuni devant les fosses, avant ou après leur ouverture, face à des familles qui lui demandaient de prendre la parole, lorsqu’il n’y avait ni prêtre ni pasteur disponible. « J’ai fini par emporter ma Bible avec moi, dans le pick-up. Je l’avais tout le temps. Lorsque l’on me demandait de parler, je l’ouvrais et je lisais. »

L’un des moments les plus chargés symboliquement est celui de la reconstitution anatomique des ossements, qui est réalisée par le même spécialiste qui les a exhumés. Le contexte peut varier, mais les éléments principaux restent inchangés : dans un espace organisé pour la restitution (il peut s’agir du domicile des parents du défunt, ou d’un bâtiment appartenant aux organisations d’accompagnement), les anthropologues ouvrent les cartons contenant les restes. Un cercueil ouvert est placé dans la pièce, la plupart du temps au centre. L’anthropologue va alors placer dans le cercueil l’ensemble du contenu du carton, réorganisant d’abord les ossements dans l’ordre anatomique, puis déposant tous les restes matériels (fragments de tissus, vêtements). Cette scène est probablement la plus marquante pour les anthropologues comme pour les familles. En restituant les ossements, dont la remise en ordre renvoie aussi à un retour à la « normalité » des ritualités funéraires, les anthropologues signalent donc le « retour » du mort, mais affirment aussi leur propre position du côté des victimes, en s’inscrivant dans un rôle moins “distant” que celui de l’expert. Le fait de construire une relation de confiance avec les familles, dans un contexte difficile, et de contribuer à produire un sens apaisé du retour des morts participe largement à la représentation légitime de leur activité à leurs propres yeux.

Les « retrouvailles » avec les morts : la nécessité de l’innovation cérémonielle

En 1999, l’équipe légiste mise en place par le diocèse du département de Quiché commence à travailler dans la région Ixil. L’Église catholique est, depuis les premiers temps, un acteur central du « travail de mémoire » et des exhumations au Guatemala. Le positionnement de l’Église du côté des victimes est d’autant plus compréhensible que l’appartenance à la religion catholique était souvent interprétée par l’armée comme un signe de soutien à la guérilla, à la différence des mouvements protestants, historiquement associés au pouvoir militaire. Un certain nombre de prêtres, tenants de la théologie de la libération, avaient effectivement rejoint les forces rebelles. À l’époque des négociations de paix, l’Église guatémaltèque a mobilisé ses ressources, et notamment son réseau de prêtres, pour recueillir les témoignages des survivants et produire le premier rapport d’une commission de la vérité dirigée par l’évêque de Quiché, Monseigneur Gerardi, assassiné après avoir reçu le rapport final.

Les ecclésiastiques ont également été présents lors de l’organisation des cérémonies collectives destinées aux victimes. L’action institutionnelle a surtout consisté à intégrer les morts du conflit dans un registre de pratiques classiques, telles que les messes organisées à l’occasion d’inhumations collectives ou l’intégration des noms des défunts à la liste des morts lue par le prêtre à la Toussaint. Certains laïcs, quant à eux, ont été à l’initiative de pratiques innovantes, en particulier dans les premiers temps des exhumations. C’est le cas de Marcelino, catéchiste dans l’équipe paroissiale de Nebaj. Il a joué un rôle central dans la mise en place de pratiques d’accompagnement des vivants et des morts à la fin des années 1990. Étant lui-même parent de disparu, il a fait partie des premiers à s’être engagés dans un processus d’exhumation [16] avec l’équipe légiste du diocèse. C’est le sentiment d’impuissance et de colère que provoque en lui la vision des restes exhumés de ses proches qui l’amène à déclarer que l’exhumation « n’est pas suffisante ». Il est nécessaire de lui donner un sens, à travers des pratiques encadrées.

Quand l’exhumation s’est faite, ma vie a changé… Lorsqu’on a commencé à creuser, j’ai commencé à voir les vêtements, les os… Ça m’a fait me rappeler toute l’histoire de la violence. Il y avait des moments où je me sentais impuissant, je me suis senti coupable et même j’ai recommencé à ressentir de la haine pour ce qu’on avait fait à ma famille […] Ensuite, j’ai commencé à réfléchir et j’ai commencé à penser que ce n’était pas possible que l’exhumation ne soit rien d’autre qu’une façon de revenir au passé. J’ai commencé à penser que l’exhumation, ce n’était pas seulement un moment pour se souvenir des moments de douleur, de tristesse, mais que l’exhumation devait être une forme de renouvellement, une bonne nouvelle, un moment de joie. Alors, j’ai commencé à comprendre que l’exhumation signifiait pour moi les retrouvailles [reencuentro] avec mes proches [17].

À partir de son expérience personnelle, Marcelino fait émerger une contradiction entre les objectifs de l’Église, qui sont de pacifier la société post-conflit en aidant le processus de deuil des survivants, et les moyens mis en œuvre. Il « manque » quelque chose pour permettre le processus de « guérison individuelle » qui, pour l’Église et nombre d’organisations de défense des droits humains, rendra possible la pacification de la société. Le fait de retrouver les défunts constitue une première étape nécessaire. Elle rend possible pour les familles de réaliser les rites funéraires d’enterrement. Cependant, Marcelino souligne la nécessité d’un encadrement rituel avant l’inhumation. « Nous, en tant qu’Église, nous leur apportions un accompagnement psychosocial complet, pour que les personnes ressentent l’expérience plutôt comme une guérison et non comme le fait de revenir au passé », explique-t-il. Son propos illustre le discours de nombreux acteurs sur le terrain, pour qui la production de nouvelles formes cérémonielles, ou leur mise en œuvre associée à un discours qui les inscrit dans des registres traditionnels, renvoie à une démarche consciente de la nécessité du rituel dans le cadre de la reconstruction individuelle et sociale.

Un an après le début du travail de l’équipe légiste, Marcelino crée de nouvelles pratiques qui accompagnent la restitution des corps. À côté de la messe collective pour les victimes réalisée par le prêtre, une séance collective de prière est mise en place, qui rassemble les parents. Le territoire d’une paroisse peut être relativement étendu et le prêtre ne se déplace pas systématiquement dans les lieux reculés. Alors que la messe a lieu dans l’église de Nebaj, à côté des bâtiments occupés par les anthropologues, la réunion de prière prend place dans les églises locales les plus proches des lieux d’habitation des parents des victimes. Ce sont souvent des catéchistes comme Marcelino qui les dirigent. La prière, moment où l’on s’adresse à Dieu, est destinée à amener les participants à exprimer leur vécu douloureux.

Nous avons fait des réunions, et nous avons mis en place une pratique appelée « libération ». Les gens nous connaissaient, mais ils ne se confiaient pas forcément. Alors nous avons organisé ces moments de prière. Nous leur disions : « Parle à Dieu. Dit à Dieu ce qu’il y a dans ton cœur. »
(Marcelino.)

L’espace collectif, mais intime, ainsi construit doit servir à se défaire de ce qui est représenté comme une « douleur » gardée en soi et qui n’aurait pas pu être partagée avec des vivants lors des recueils de témoignages. Le seul fait de s’adresser à Dieu par le biais de la prière permettrait d’exprimer ce qui est de l’ordre de l’indicible. Les séances sont divisées en deux moments : « vider » (vaciar) et « remplir » (llenar). « Un premier moment pour vider la douleur, puis un autre pour penser à des choses belles, positives. Toujours à partir de la foi. » La démarche renvoie à l’Espérance pour les morts et pour les vivants, ce qui s’inscrit dans la foi catholique, mais puise également dans un registre sociopsychologique.

Au-delà de l’ouverture d’un espace d’expression de la douleur, il s’agit aussi de requalifier l’expérience de l’exhumation, non pas comme un rappel de la perte, mais comme des « retrouvailles » avec les disparus. Cette idée est explicitement exprimée par Marcelino, qui souligne que, pour lui, il était important de ne pas parler d’« exhumation » (exhumación) mais de « retrouvailles » (reencuentro). Il établit un parallèle entre la restitution des corps et le retour d’exil des réfugiés, qui a constitué un important moment de retrouvailles dans la mémoire collective locale.

Dans la guerre, nous nous sommes séparés, mais lorsque la situation s’est normalisée, c’est le retour qui a amené beaucoup de joie. Un moment de retrouvailles. Alors, ne pas l’appeler exhumation […] Les morts étaient exilés dans le cimetière clandestin, les exhumés étaient comme des personnes réintégrées à la famille, à la communauté.
(Marcelino.)

Contrairement aux vivants réfugiés, toutefois, l’idée des retrouvailles avec les morts implique de les « ramener » pour pouvoir s’en séparer réellement, en respectant cette fois les rites adaptés.

Il y a dans le discours et la démarche une explicitation de l’objectif symbolique des exhumations, qui s’inscrit dans un mode de représentation partagé par une variété d’acteurs, appartenant majoritairement au monde associatif. L’existence d’un centre de formation (l’ECAP [18]) qui accueille les personnes employées par les associations locales d’accompagnement des victimes, a fortement contribué à généraliser l’approche « psychosociale » adoptée, ainsi que l’injonction systématique au respect des croyances locales. La présence de la Croix rouge internationale, qui est le principal financeur des exhumations, participe également à diffuser la vision « humanitaire » portée par cette organisation. L’influence de ces représentations collectives peut s’observer dans les initiatives individuelles, ici à travers la gestion de la réunion de prière, qui emprunte en partie sa forme aux ateliers d’épanouissement personnel mis en place par des ONG d’aide aux victimes. Il y a des emprunts et des essaimages des techniques mobilisées par les différents acteurs travaillant autour des exhumations. Ainsi, Marcelino, qui s’inspire du modèle d’ateliers d’accompagnement psychosocial, rendra compte, par la suite, de l’expérience menée dans la région Ixil auprès de la Fondation guatémaltèque d’anthropologie légiste (FAFG), la plus importante des équipes, ou encore auprès du bureau des droits humains de l’évêché qui pourront à leur tour s’en inspirer.

Le constat de la douleur engendrée par l’absence des corps des disparus, qui empêche la réalisation des rites de séparation, et l’espoir que le retour des corps permettra de la surmonter, grâce à un encadrement rituel permettant de le requalifier de façon adéquate, trouvent écho dans les discours d’autres encadrants des exhumations. « Il faut laisser derrière soi le passé » souligne une jeune femme chargée de l’accompagnement psychosocial au sein d’une association de victimes :

C’est un processus. Les gens restent dans le passé et cela leur fait du mal. Ils ne s’occupent plus de leurs enfants. Il faut qu’ils comprennent que, même s’ils ne retrouvent pas leurs proches vivants, il faut laisser le passé derrière et vivre dans le présent.

Le discours met ici en évidence les conséquences sociales, décrites en termes somatiques – de traumas ou de séquelles psychologiques, qui sont transmises aux enfants si elles ne sont pas traitées. L’impossibilité du deuil « blesse » les parents du mort (les hace daño), les retient dans un passé dont la violence est alors considérée comme une source d’infection pour les enfants. La production rituelle est presque systématiquement liée, dans les discours des acteurs, à la nécessité d’une réponse face à un mal décrit comme psychologique. La mise en place de pratiques d’accompagnement, mais aussi de pratiques cérémonielles, constitue souvent une tentative pour accompagner explicitement un processus visant la « guérison » individuelle et sociale.

L’enterrement des morts : hétérogénéité religieuse et adaptations locales

L’accompagnement des familles de victimes par les organisations laïques ou religieuses se termine la plupart du temps par la remise du cercueil, fermé, aux familles, marquant symboliquement le retour à des pratiques funéraires beaucoup plus traditionnelles. Ce sont les parents des victimes et les proches de la communauté qui vont mettre en place les rites d’enterrement proprement dits. Les coutumes ordinaires comprennent le plus souvent une veillée funèbre, dans la soirée et la nuit qui précèdent l’enterrement. Elle se prolonge parfois sous forme de novenas (neuf jours de veillées) dans la semaine qui suit, selon les régions. À cette occasion, les voisins et les parents viennent accompagner la famille. Toutefois, la multiplication des conversions aux courants évangélistes, depuis l’époque du conflit, a transformé les relations entre voisins, dans des communautés qui étaient majoritairement catholiques au début du siècle dernier (Pédron Colombani 1998 ; García-Ruiz 2008). Les pratiques d’enterrement diffèrent selon que l’on fait partie des catholiques (qui représentent la voie « traditionnelle ») ou que l’on appartient à un courant protestant, en particulier les évangélistes [19]. Comme on l’a dit, les appartenances religieuses s’articulent historiquement à des positionnements politiques opposés. Durant les années de conflit, plusieurs dirigeants militaires se sont convertis au protestantisme. Si le fait d’être catholique pouvait être interprété comme un signe de subversion, la conversion avait un effet inverse. Dans la période d’après-guerre, alors que l’Église catholique s’est engagée dans un travail de mémoire intense, les pasteurs protestants se sont régulièrement opposés aux exhumations (voir Philpot-Munson 2009, pour le cas de Nebaj).

Cependant, l’opposition institutionnelle (si tant est que ce terme puisse être employé pour des pasteurs évangélistes souvent très indépendants) ne se reflète pas forcément dans les pratiques à l’échelle locale. Ainsi, certaines des familles impliquées dans les exhumations menées par le diocèse de Quiché au début des années 2000 étaient des évangélistes qui souhaitaient, malgré l’avis de leur pasteur, retrouver leurs proches. Le cas de la restitution d’un défunt dans une famille protestante de Cotzal, village voisin de Nebaj, illustre comment la pratique des acteurs reflète un contexte local complexe et les rapports nuancés entre tenants des différents groupes.

Après le passage au Ministère public, les cartons sont empilés dans les pick-up des anthropologues et ramenés au siège de l’association. Un repas est offert aux familles. Puis chaque famille repart dans un pick-up, accompagnée par l’un des anthropologues, en emportant les vivres, une grande croix et le cercueil, encore vide pour le moment. Nous accompagnons Luis [le responsable de l’association de victimes] qui ramène les restes d’un homme de Cotzal à sa famille. Le fils [de la victime] est évangéliste, nous répète plusieurs fois Luis. Nous embarquons tous dans sa voiture, le petit cercueil en bois posé sur nos genoux, les sacs contenant les restes posés dedans, de façon un peu désordonnée, par manque de place.
(Extrait des notes de terrain.)

Le cas auquel nous allons nous intéresser ici est particulier par au moins deux aspects : d’une part le parent (ici le fils de la victime) à l’origine de la demande d’exhumation est évangéliste, ce qui est un cas minoritaire, et d’autre part il n’y a pas d’anthropologue présent au moment de la remise du corps. Cette absence est due au fait que les lieux d’habitation de plusieurs familles étaient éloignés les uns des autres, si bien qu’il était impossible pour les anthropologues d’accompagner tous les restes exhumés dans la même journée. La décision des anthropologues de privilégier les villages éloignés des centres urbains où les familles, parfois très isolées, sont d’autant plus demandeuses d’une présence « officielle » est compréhensible. L’appartenance religieuse de la famille de Cotzal a toutefois probablement joué un rôle, ne serait-ce que par la moindre implication du fils de la victime, ressentie par les acteurs associatifs et les anthropologues. « Il n’est pas très impliqué », soulignaient-ils, avant de plaisanter sur le fait qu’ils ne savaient pas s’ils seraient invités à rester. Les acteurs associatifs insistent sur le fait qu’ils sont tenus de respecter les souhaits des parents et leurs croyances. Il s’agit néanmoins le plus souvent de respecter les variations individuelles lors de la veillée : présence ou non d’un responsable religieux maya ou catholique, voire d’un pasteur, prise de parole par un membre de la famille ou un responsable communautaire, etc. La possibilité que la famille ne demande aucune forme de veillée ou de cérémonie les rendait nerveux.

Lorsque nous arrivons à Cotzal, il fait déjà nuit. L’entrée de la maison est pleine de monde. Il s’agit des voisins qui sont venus participer à la veillée. Ils nous aident à transporter les bouteilles de soda, les sacs de maïs et les autres aliments jusqu’à la maison, mais le cercueil et les restes sont transportés par nous [les gens de l’association et moi-même]. Nous entrons tous dans la pièce principale de la maison, typique des maisons de Cotzal : une pièce carrée en terre battue, sans aucun meuble mis à part une table en bois et un matelas posé dans un coin. Le cercueil est posé sur la table. Nous nous plaçons d’un côté et les parents et voisins se rassemblent en face. Les sacs contenant les restes sont posés sur le matelas. Il y a un moment de flottement, puis Luis prend la parole, pour rappeler l’engagement de l’association à aider les familles et annoncer « votre papa est ici à présent », faisant un vague geste en direction des sacs. Il hésite un instant, puis continue en disant que nous allons reconstituer le corps, dans le cercueil. Il demande si la famille a des habits ou des objets qu’elle souhaite mettre dans le cercueil. Le fils répond par la négative. Il parle peu et bas et il semble mal à l’aise. Luis demande alors s’ils souhaitent dire quelques mots ou se recueillir. Un silence s’installe quelques instants. Puis l’un des voisins venu assister à la veillée s’avance. Il fait signe qu’il va parler, pendant que deux personnes vont chercher et allument des bougies au pied du cercueil.
(Extrait des notes de terrain.)

Cet homme, qui est en fait un voisin catholique, prendra en charge tout le déroulement de la cérémonie qui s’improvise, en l’absence de tout ministre du culte et de directives données par le fils. Il commence par réciter le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie ». La majorité des membres de l’assemblée, y compris l’épouse du fils du défunt, l’accompagne. Il dirigera ensuite une prière silencieuse, avant d’entonner un chant collectif. Le psaume chanté n’a rien à voir avec les rites funéraires, catholiques ou protestants, mais il est connu de tous car c’est celui que l’on chante à l’église au moment de la communion. Ainsi, il puise dans le registre des éléments très familiers du culte, que les individus présents, en majorité catholiques, connaissent, pour accompagner le moment.

Fig. 4 : la remise en ordre anatomique des ossements et la fermeture du cercueil concluent la restitution du corps à la famille. Ici, le corps est veillé par les parents et les voisins catholiques venus apporter leur soutien.
Photographie : Clara Duterme, 2015.

Fig. 4 : la remise en ordre anatomique des ossements et la fermeture du cercueil concluent la restitution du corps à la famille. Ici, le corps est veillé par les parents et les voisins catholiques venus apporter leur soutien.
Photographie : Clara Duterme, 2015.

Les emprunts rituels entre les divers cultes que l’on retrouve dans les cérémonies d’enterrement des morts exhumés s’inscrivent dans une pratique religieuse quotidienne souvent hétérogène. Linda Green (1999) décrit la manière dont, vers la fin des années 1980, les veuves indigènes appartenant à une Église protestante continuaient à faire ponctuellement appel à des spécialistes mayas pour résoudre des problèmes spécifiques, tels que l’alcoolisme d’un membre de la famille. De même, les nouveau-nés continuent d’être baptisés malgré la conversion, ce rituel ayant une valeur de protection que n’offre pas la pratique du culte évangélique. Les pratiques ordinaires présentent une flexibilité qui renvoie aux besoins concrets et aux coutumes établies de longue date, qui ne correspondent pas forcément à l’orthodoxie [20]. Cette flexibilité est d’autant mieux acceptée dans le cas des exhumations que les morts enterrés par des familles aujourd’hui converties au protestantisme n’étaient pas eux-mêmes protestants.

Les modalités des cérémonies se construisent à l’échelle individuelle, familiale et locale, souvent en l’absence de ministres du culte. Sur ce point, la place occupée par l’Église catholique et les cultes protestants s’est profondément modifiée. L’engagement de l’Église dans les processus d’exhumations au début des années 2000 a peu à peu diminué. À cette époque, les prêtres présents dans le diocèse de Nebaj allaient couramment réaliser des messes collectives pour les défunts exhumés dans les villages éloignés. Aujourd’hui, bien que des messes puissent encore être réalisées, elles le sont la plupart du temps dans l’église de Nebaj, à la demande des associations qui appuient les familles. À l’inverse, la taille réduite des églises protestantes et la proximité des pasteurs avec leurs ouailles jouent un rôle essentiel dans l’attrait qu’elles ont eu depuis les années d’après-guerre. Pour les pasteurs cherchant à attirer de nouveaux fidèles, l’inhumation du mort du conflit peut être l’occasion d’aller porter appui à la famille.

Conclusion

Les restes humains exhumés et réenterrés dans la période de l’après-conflit armé au Guatemala transitent entre de multiples états. Dans tout cadre judiciaire, le cadavre a un statut ambigu : tout d’abord « dépouille », que l’on dissèque et étudie tel un objet, il retrouve ensuite – ordinairement – la dignité du « défunt » propre aux restes humains (Hanique et Dubois-Costes 2006). Dans le contexte d’exhumations, l’enjeu juridique n’existe jamais en dehors de forts enjeux politiques et symboliques. L’action de l’anthropologie légiste occupe une place centrale au cœur des processus de reconstruction et de transformation sociale dans les contextes post-conflit. Comme le souligne Isaïas Rojas Perez (2015 : 41) à propos du cas péruvien : « L’anthropologie légiste ramène les morts à leur statut de sujets légaux (des victimes), de sujets culturels (des personnes qui doivent être correctement enterrées et dont on porte le deuil), et de sujets historiques (des personnes dont l’histoire n’est pas oubliée) [21]. »

Le processus d’exhumation s’inscrit dans un cadre qui ne se limite pas au travail archéologique ou à l’analyse légiste, mais qui entre dans celui des pratiques funéraires (Crossland 2011). La frontière se brouille entre ce qui relève du geste technique et ce qui relève du geste rituel, les espaces, les temporalités (Robin Azevedo 2015) et les statuts qui y sont associés. La double reconstruction du corps, effectuée une première fois par l’anthropologue légiste dans le laboratoire à des fins d’analyse et une seconde fois pour reconstituer le corps dans le cercueil, illustre la façon dont les savoirs techniques sont mis en œuvre dans des cadres cérémoniels et ritualisés.

Les moments qui marquent le processus d’exhumation sont investis par les différents acteurs, parfois avec une volonté consciente de doter le rituel d’une efficacité. La « reconstitution » et l’habillage des morts servent à matérialiser le passage vers le statut de « défunt » et à construire l’idée de « retrouvailles » dans un objectif d’apaisement. On l’a vu, les ritualités qui sont élaborées ou mobilisées puisent dans le domaine religieux, mais aussi dans les outils des organisations de défense des droits humains. La dimension cérémonielle des funérailles des morts du conflit renvoie non seulement à l’objectif de rendre possible le deuil individuel, mais également à l’idée de favoriser une reconstruction sociale.

La dimension politique est d’autant plus présente que les funérailles sont collectives, médiatisées et investies d’une portée nationale. Les restes des victimes peuvent être mobilisés en tant qu’objets de mémoire et les cérémonies devenir un espace d’expression ou de mobilisation politique (voir Korman 2014 ; Robin Azevedo 2016 ; Ferrandiz 2010 et, dans un tout autre contexte, Capdevila et Voldman 2002). Cependant, les processus d’exhumation donnent également lieu à des réenterrements à l’échelle individuelle, dans lesquels la place des enjeux politiques – et des oppositions qu’ils suscitent – est réduite [22]. On constate alors une plus grande diversité des pratiques, qui sont souvent élaborées en l’absence de responsables religieux et qui puisent dans le registre des religiosités populaires. Comme dans le cas des rituels des communautés littorales, confrontées à l’absence de corps des marins disparus en mer, décrits par Alain Cabantous (1990), le fait d’avoir à enterrer un « corps » partiel et altéré amène les habitants à élargir leurs registres rituels. Cela peut se traduire par un certain œcuménisme des pratiques, notamment l’emprunt fait par des familles évangélistes aux modalités rituelles catholiques.

Les processus d’exhumation au Guatemala sont donc le théâtre de pratiques ritualisées qui se recomposent et se transmettent, acquérant pour certaines (comme la reconstitution du corps) une valeur de norme. Peut-on, pour autant, parler d’innovations rituelles ? Les pratiques qui se sont mises en place au cours des vingt-cinq dernières années ont construit des modalités rituelles inédites et spécifiques, qui dépendent à la fois d’initiatives locales et de modèles institués. Le catholicisme, dans une acception large qui englobe certaines pratiques syncrétiques, officieuses et populaires, reste une référence dans la construction des pratiques rituelles autour des morts du conflit. Le contexte judiciaire impose sa temporalité – les corps étant d’abord emportés et analysés avant d’être restitués. On ne peut pas non plus négliger l’influence des organisations de défense des droits humains, notamment par l’aide financière qu’elles apportent. Le financement des matériaux et aliments destinés à la veillée encourage et soutient la coutume.

On peut constater à l’œuvre des processus de déplacement et de resémantisation de ritualités connues, comme le moment de la veillée, qui intègrent de nouveaux acteurs, ainsi que des processus d’invention, qui fonctionnent la plupart du temps en combinant des éléments existants. À ce propos, il faut souligner un point qui n’a pas pu être développé ici : l’importance des influences transnationales. En effet, les processus d’exhumation s’étant multipliés dans une période relativement récente en différents points du globe, les pratiques – y compris rituelles – se sont largement construites à travers des échanges qui croisent les coutumes locales et des modèles internationalisés.

add_to_photos Notes

[1Pour éviter d’alourdir le texte, toutes les occurrences des termes « anthropologues » et « équipes légistes » ci-après se réfèrent aux équipes d’anthropologie légiste et à leurs membres. Il s’agit, au Guatemala, d’experts indépendants, organisés en équipes ayant un statut d’ONG. L’anthropologie légiste articule la connaissance des techniques archéologiques aux savoirs naturalistes. Son développement a été historiquement associé au champ historique (notamment la paléontologie) mais aussi judiciaire. Elle n’intervient que si l’état du cadavre (trop ancien ou abîmé) sort de la compétence de la médecine légiste.

[2Des revendications identitaires et culturelles étaient déjà portées dès les années 1940 par certaines catégories intellectuelles parmi les populations indigènes, notamment parmi les instituteurs. La langue devient rapidement un symbole central de l’identité commune revendiquée, le Guatemala comptant plus d’une vingtaine de langues partageant une racine maya. L’activisme culturel était important dans les années 1970 dans la région Quiché. Toutefois, c’est avec le processus de paix qu’un mouvement mayaniste a pu réellement avancer ses revendications, déniant aux leaders de la guérilla le droit de représenter les Indiens et s’appuyant sur la Constitution de 1985 qui reconnaît la Nation guatémaltèque comme pluriculturelle. Les acquis restent néanmoins cantonnés au domaine culturel et non directement politique (Fischer et McKenna Brown 1999 ; Bastos et Camus 2002).

[3Cet article est issu d’un terrain mené en 2015 et 2016 dans le cadre d’une recherche en cours, portant sur l’ethnographie des exhumations au Guatemala. L’enquête de terrain a été réalisée grâce au soutien de la Société d’ethnologie (Nanterre), que je remercie. Merci également à Engel Tally, Efraïn Villagrán et Erwin Melgar pour leur accueil et leurs conseils.

[4Le Guatemala compte la plus importante population indigène d’Amérique latine après le Brésil. Les estimations varient, en raison de la malléabilité des critères de l’« indigénéité », du manque de fiabilité des recensements et de l’enjeu politique implicite en termes de représentativité. Toutefois, les autochtones, répartis en groupes ethnolinguistiques mayas et garifunas, constituent autour de 40 % à 50 % de la population. Dans la région Ixil, on compte 97 % de population indigène (ALMG 2008).

[593 % des exactions sont attribuées à l’armée, contre seulement 3 % aux différents mouvements de guérilla marxistes, le reste étant incertain (CEH 1999).

[6Centro de analisis forenses y ciencias aplicadas (Centre d’analyse légiste et de sciences appliquées).

[7« Es cierto. Pero yo más bien veo una carita triste.  »

[8Il s’agit essentiellement des éléments matériels qui ont servi à commettre le meurtre. Mais la frontière entre les éléments considérés comme « judiciaires » et ceux restitués aux familles peut s’avérer flottante.

[9Si une première consultation entre l’équipe originellement fondée par Snow, la FAFG et les autorités avait eu lieu dès 1997, le manuel actuellement en vigueur ne sera toutefois constitué et validé qu’en 2001 (Jiménez Gaytán 2011) et ce n’est qu’en 2003, sous la pression des associations de victimes, que le gouvernement guatémaltèque met en place – après 10 ans d’attente – le programme national chargé des compensations aux victimes (Bastos 2009).

[10Manual de procedimientos para investigaciones antropologico forense en Guatemala, p. 33 (Ministerio Publico de Guatemala). Ma traduction.

[11Toutefois, contrairement au Guatemala où le caractère public des exhumations est revendiqué par les légistes, les exhumations réalisées aujourd’hui en Argentine tendent à interdire l’accès à la fosse à tous les spectateurs, proches des victimes inclus, séparant l’espace du travail scientifique et l’espace commun (Colombo 2013).

[12Dans les cimetières légaux, les victimes ont été enterrées sans rites et aucun monument ne vient marquer l’emplacement, ni indiquer leur nom.

[13Au Guatemala, le terme « communauté » renvoie à l’espace du village ou de l’unité territoriale de base (aldea) à laquelle s’attache, le plus souvent, l’identité locale revendiquée.

[14Nombre de chercheurs signalent les suspicions soulevées par leur présence, tel Daniel Wilkinson (2004), qu’une rumeur qualifiait de « robaniño » (voleur d’enfant). Les modalités d’adoption très libérales dans les années du conflit ont alimenté les rumeurs de vol d’enfant par les étrangers, tout comme les suspicions liées au trafic de drogue.

[15Cette pratique perdure aujourd’hui. Les laboratoires des équipes légistes qui procèdent aux analyses sont ouverts aux parents des victimes. Toutefois, la distance entre les régions rurales où ont lieu les exhumations et la capitale où se trouvent les laboratoires complique l’accès pour les familles.

[16Il est nécessaire qu’une demande soit déposée par un membre de la famille du disparu pour autoriser l’excavation d’une fosse.

[17Ma traduction. Ce témoignage est extrait de l’ouvrage Rescatando nuestra memoria (Moller et Bazzy 2009). Les citations de Marcelino qui suivent sont issues d’entretiens réalisés avec lui en octobre 2015.

[18Équipe d’étude communautaire et d’action psychosociale.

[19L’un des points essentiels qui les distinguent est la question de la résurrection des corps lors du jugement dernier, qui pousse les catholiques à porter une attention bien plus grande à l’intégrité physique des défunts.

[20La présence de nombreux « saints populaires », comme Maximón au Guatemala, témoigne de la vitalité d’une pratique populaire du catholicisme en Amérique latine, dans des formes qui ne sont pas toujours admises par l’Église (voir Pédron Colombani 2010).

[21« Forensic archaeology brings the dead back into being as legal subjects (victims), cultural subjects (persons to be properly buried and mourned), and historical subjects (persons whose history is not to be forgotten) », Isaïas Rojas Perez (2015 : 41). Ma traduction.

[22L’“apaisement” politique au niveau local ne signifie pas une absence d’enjeux ou d’opposition dans le contexte national. Il s’agit d’un déplacement d’échelle qui amène à rendre pertinents ou non certains enjeux pour les acteurs concernés.

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Pour citer cet article :

Clara Duterme, 2017. « Ritualités funéraires autour des morts exhumés : de l’élaboration des pratiques aux enjeux de reconstruction collective et individuelle ». ethnographiques.org, Numéro 35 - décembre 2017
Vieillir en institution, vieillesses institutionnalisées. Nouvelles populations, nouveaux lieux, nouvelles pratiques [en ligne].
(https://www.ethnographiques.org/2017/Duterme - consulté le 20.04.2024)
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